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Autour Des Matrices De Frobenius Ou Compagnon

AUTOUR DES MATRICES DE FROBENIUS OU COMPAGNON

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  AUTOUR DES MATRICES DE FROBENIUSOU COMPAGNON Hervé Carrieu, Maurice Fadel, Etienne Fieux, Patrice Lassère & Frédéric Rodriguez 12 février 2007 « When a polynomial in one variable interests you, ask about the matrices of which it is the caracteristic polynomial. »Olga Taussky, 1 Table des matières 1 INTRODUCTION 32 RÉSULTATS FONDAMENTAUX 4 2.1 Endomorphismes et matrices cycliques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42.2 Théorème de décomposition de Frobenius . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62.3 Quelques propriétés topologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82.4 Propriétés spectrales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 3 APPLICATIONS À L’ALGÈBRE LINÉAIRE 11 3.1 Le Théorème de Cayley-Hamilton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113.2 Décomposition de Jordan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123.3 Matrices semblables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143.4 Matrice transposée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153.5 Commutant et bicommutant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173.5.1 Le commutant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173.5.2 Approche topologique de la dimension du commutant . . . . . . . . . . 193.5.3 Le bicommutant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203.5.4 Quelques précisions sur la dimension du commutant . . . . . . . . . . . 21 4 AUTRES APPLICATIONS MATHÉMATIQUES 24 4.1 Polynômes de Sylvester . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 244.2 Les formules de Newton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 254.3 Localisation des racines d’un polynôme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 274.4 Quelques dernières applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 5 UNE APPLICATION « CONCRÈTE » 296 CONCLUSION 32 1 « How I Became a Torchbearer for Matrix Theory », American Mathematical Monthly(1988), Vol. 95-9. 1  1 INTRODUCTION Dans tout ce travail et sauf mention contraire le symbole K désignera lecorps 2 R ou C . À tout polynôme unitaire P  ( X  ) = X  n + a n − 1 X  n − 1 + ··· + a 1 X  + a 0 ∈ K [ X  ] on associera sa matrice de Frobenius ou compagnon 3 C  P  =  0 0 ... 0 − a 0 1 0 ... 0 − a 1 0 1 ... 0 − a 2 ............... 0 ... 0 1 − a n − 1  ∈ M  n ( K ) . Un calcul élémentaire (en développant par exemple par rapport à la dernièreligne) montre que son polynôme caractéristique 4 P  C  P  ( X  ) := det ( XI  n − C  P  ) = P  ( X  ) , Ce lien entre matrice et polynôme (illustré par l’appellation « compagnon » )permet souvent de « traduire » certains énoncés « matriciels » en des énoncés« polynomiaux » et réciproquement : c’est la source d’élégantes démonstrationssouvent plus élémentaires que par les approches classiques. Nous proposons iciune étude assez détaillée de ces matrices et de leurs applications. Notations :  La matrice compagnon C  P  d’un polynôme P  ( X  ) = X  n + a n − 1 X  n − 1 + ··· + a 1 X  + a 0 sera aussi parfois appelée matrice compagnon C  a du vecteur a = ( a 0 ,a 1 , ··· ,a n − 1 ) .  Pour un endomorphisme ϕ (resp. une matrice M  ), P  ϕ et π ϕ (resp. P  M  et π M  ) désignent le polynôme caractéristique et le polynôme minimal as-sociés.  Une matrice est cyclique (cf. §2.1) si, et seulement si, elle est semblable àune matrice compagnon et l’ensemble des matrices cycliques sera noté C  n .  Il faut enfin signaler que nous userons et abuserons tout au long de cetarticle de l’isomorphisme canonique « matrice  endomorphisme ». 2 RÉSULTATS FONDAMENTAUX 2.1 Endomorphismes et matrices cycliques Un endomorphisme ϕ d’un K -espace vectoriel E  (de dimension n ) est cyclique s’il existe un vecteur x tel que B  := { ϕ k ( x ) , k = 0 ,...,n − 1 } soit une 2 Un grand nombre des résultats restent vrais dans le contexte d’un corps plus général,toutefois afin de faciliter la lecture il est plus raisonnable de se cantonner au cas R ou C . 3 Ou matrice compagne pour les automaticiens. 4 Bien noter que le polynôme caractéristique est ici (et contrairement à la tradition) uni-taire , nous suivons le point de vue de Fresnel [5]. 2  base de E  . Il est alors immédiat que la matrice de ϕ dans la base B  sera unematrice compagnon et la réciproque est claire : si la matrice de ϕ est semblableà une matrice compagnon alors ϕ est cyclique. On dira qu’une matrice estcyclique si elle est la matrice d’un endomorphisme cyclique (autrement dit, s’ilexiste x ∈ E  tel que { x,Mx,...,M  n − 1 x } soit une base de E  ); on a donc : Proposition 1 Une matrice est cyclique si, et seulement si, elle est semblable à une matrice compagnon. Dans l’anneau des polynômes à une indéterminée K [ X  ] , tout idéal est en-gendré par un polynôme unitaire de degré minimal. Ainsi pour tout x ∈ E  ,l’idéal I  ϕ,x :=  P  ∈ K [ X  ] : P  ( ϕ )( x ) = 0  est engendré par un polynôme π ϕ,x . C’est le polynôme minimal de x rela-tivement à ϕ . Le résultat qui suit est essentiel, nous l’utiliserons à plusieursreprises dans ce travail. Lemme fondamental Il existe  x ∈ E  tel que  π ϕ,x = π ϕ . Démonstration : Il est déjà évident ( π ϕ ∈ I  ϕ,x ) que π ϕ,x divise π ϕ pour tout x ∈ E  . Il n’existe donc, lorsque x décrit E  qu’un nombre fini de tels polynômes π ϕ,x 1 , ...,π ϕ,x l , soit E  =  1  i  l Ker( π ϕ,x i ) et par un argument classique, E  = Ker( π ϕ,x i ) pour un entier i ∈ { 1 ,...l } . Maisalors π ϕ,x i ( ϕ )( y ) = 0 pour tout y dans E  : π ϕ,x i est donc annulé par ϕ et c’estdonc un multiple du polynôme minimal π ϕ . Vu ce qui précède, π ϕ = π ϕ,x i et lapropriété est démontrée.  Nous laissons en exercice les résultats suivants, conséquences immédiates (oupresque) de ce qui précède (nous les utiliserons à maintes reprises) : Exercice 1 1) Tout polynôme unitaire est à la fois polynôme minimal et caractéristique de sa matrice compagnon.2) Une matrice est cyclique si et seulement si ses polynômes minimal et ca-ractéristique coïncident.3) Une matrice est cyclique si, et seulement si, tous ses sous-espaces propres sont de dimension  1 .4) Tout bloc de Jordan est semblable à une matrice de Frobenius.5) L’ensemble des vecteurs cycliques (d’un endomorphisme  ϕ ) constitue un ouvert dense. 3  2.2 Théorème de décomposition de Frobenius Pour A ∈ M  n ( C ) la mise sous forme triangulaire et la réduite de Jordan 5 sontquelques unes des multiples réductions sous forme canonique d’une matrice 6 , unautre type de réduction est celle en blocs de matrices compagnon (réduction oudécomposition de Frobenius) : Théorème 1 (décomposition de Frobenius) Toute matrice est semblable à un bloc diagonal de matrices compagnon. Plus précisément donnons-nous un endomorphisme  ϕ ∈ L ( E  ) (  E  K -espace vectoriel sur un corps commutatif  K de dimension finie  n  1 ) ou de manière équivalente une matrice  A ∈ M  n ( K ) .Alors il existe une suite  E  1 , E  2 ,...,E  r de sous-espaces vectoriels de  E  , tous stables par  ϕ telle que :  E  = r  i =1 E  i .  Pour tout  1  i  r , ϕ i := ϕ /E  i est un endomorphisme cyclique.  Notons  P  i le polynôme minimal de  ϕ i , alors pour tout  1  i  r − 1 : P  i +1 divise  P  i .  La suite de polynômes  ( P  i ) ri =1 ne dépend que de l’endomorphisme  ϕ et non de la décomposition. c’est la suite des  invariants de similitude de  ϕ (ou de  A ). (  ) En particulier, il existe une base  B  de  E  pour laquelle la matrice de  ϕ est de la forme  M  ( ϕ, B  ) =  C  P  1 C  P  2 0  ... 0  C  P  r  avec  P  1 = π ϕ et  P  1 P  2 ...P  r = P  ϕ . Démonstration :  Existence de la décomposition : On procède parrécurrence sur la dimension de E  . Si d est le degré du polynôme minimal de ϕ , il existe un vecteur y ∈ E  tel que π ϕ = π ϕ,y et il est clair que le plus petitsous-espace stable par ϕ et contenant y est de dimension d et admet pour base e 1 = y, e 2 = ϕy,...,e d = ϕ d − 1 y , i.e. : E  y := { P  ( ϕ ) y, P  ∈ K [ X  ] } = Vect { e 1 ,...,e d } 5 La réduction de Jordan dans M  n ( K ) est possible si le corps K est algébriquement clos, lasuite des invariants de similitude à la base de la décomposition de Frobenius, elle, est valabledans tout corps K ([5] p.139). 6 On pourra consulter [9]. 4  Soit à présent F  = { x ∈ E, ∀ k ∈ N ,e ∗ d ( ϕ k ( x )) = 0 } et montrons que E  = E  y ⊕ F  .Par définition, F  est l’ensemble des vecteurs x de E  dont la d -ième coordon-née de ϕ i y dans la base { e 1 ,...,e d } est nulle pour tout i et ceci a pour consé-quence immédiate que F  est stable par ϕ (puisque e ∗ d ( ϕ k ( ϕ ( x )) = e ∗ d ( ϕ k +1 ( x )) =0 si x ∈ F  ). De plus, si z = a 1 e 1 + ... + a d e d , e ∗ d ( z ) = a d et aussi si z = a 1 e 1 + ... + a k e k avec k < d , e ∗ d ( ϕ d − k ( z )) = a k et ceci montre que z = a 1 e 1 + ... + a d e d ∈ F  ⇔ a 1 = a 2 = ... = a d = 0 , autrement dit que E  y ∩ F  = { 0 } .Il reste à montrer que F  est de dimension n − d .Pour cela considérons l’opérateur T  défini sur K [ ϕ ] ⊂ E  ∗ = L ( E, K ) : T  : g → T  ( g ) = e d ◦ gT  est injectif car si e d ◦ g = 0 avec g non nul, on peut l’écrire sous la forme g = a 1 Id E  + a 2 ϕ + ··· + a  p ϕ  p − 1 avec p  d et a  p non nul. Or 0 = e d ◦ g ( ϕ d −  p ) = e d ( a 1 e d −  p +1 + ··· + a  p e d ) = a  p ce qui est absurde. Par conséquent, dimIm T  = d et comme, par définition, F  est l’orthogonal de Im T  (au sens du dual), on trouve bien que dim F  = n − dimIm T  = n − d .Nous avons donc trouvé un sous-espace F  stable par ϕ et tel que E  = E  y  F  . Soit P  1 le polynôme minimal de ϕ | E  y : P  1 = π ϕ | Ey car ϕ | E  y estpar construction un endomorphisme cyclique (cf. Exercice 1), soit encore P  1 = π ϕ,y = π ϕ . Soit maintenant P  2 le polynôme minimal de ϕ | F  , F  est stable par ϕ donc P  2 divise P  1 . On n’a plus qu’à reprendre la procédure avec ϕ | F  et au boutd’un nombre fini d’étapes on obtiendra la décomposition annoncée.  Unicité : Supposons l’existence de deux suites de sous-espaces F  1 ,F  2 ,...,F  r et G 1 ,G 2 ,...,G s tous stables par ϕ vérifiant les trois premières propriétés. No-tons P  i = π ϕ | F i et Q i = π ϕ | Gi .Il est déjà clair que P  1 = π ϕ = Q 1 (et dim F  1 = dim G 1 ). Supposons les deuxsuites distinctes et notons j  2 le premier indice tel que P  j  = Q j (un tel indiceexiste toujours car r  i =1 deg( P  i ) = s  j =1 deg( Q j ) = dim E  ). On a alors (puisque P  j ( F  j + k ) = 0 si k  0 ) : (1) P  j ( ϕ )( E  ) = P  j ( ϕ )( F  1 ) ⊕···⊕ P  j ( ϕ )( F  j − 1 ) et aussi : (2) P  j ( ϕ )( E  ) = P  j ( ϕ )( G 1 ) ⊕···⊕ P  j ( ϕ )( G j − 1 ) ⊕ P  j ( ϕ )( G j ) ···⊕ P  j ( ϕ )( G s ) Mais pour 1  i  j − 1 , puisque P  i = Q i , ϕ | E  i est semblable à ϕ | G i car cesendomorphismes sont respectivement semblables à C  P  i et C  Q i . On en déduit dim P  j ( ϕ )( F  i ) = dim P  j ( ϕ )( G i ) soit, vu (2) et (1) : 0 = dim P  j ( ϕ )( G j ) = ··· = dim P  j ( ϕ )( G s ) 5