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La Disparition De La Fête Liturgique De La Circoncision Du Seigneur. Une Question Historico-théologique Complexe

englich: The feast of the Circumcision of the Lord was suppressed from the Roman Calendar in 1960 for reasons that are unclear. In 2012 a number of biblicists and theologians petitioned for the re-establishment of this liturgical feast, which recalls

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  Arnaud Join-Lambert, La disparition de la fête liturgique de la Circoncision du Seigneur. Une question historico-théologique complexe, in : Ephemerides liturgicae  127 (2013) 307-327. 1 La disparition de la fête liturgique de la Circoncision du Seigneur Une question historico-théologique complexe Prof. Arnaud Join-Lambert 1. Des srcines à 1960 : Une fête en dépendance ................................................................... 2   1.1. Le huitième jour .............................................................................................................. 2   1.2. À l’ombre de Marie à Rome ............................................................................................ 4   1.3. Recevoir un nom pour exister ......................................................................................... 6   1.4. Lutter contre les pratiques païennes du 1 er  janvier .......................................................... 6   2. De 1960 à nos jours : une fête disparue .............................................................................. 7   2.1. Disparition de la fête ....................................................................................................... 7   2.2. L’appel des théologiens et biblistes pour le rétablissement de la fête........................... 11   3. Questions et perspectives théologiques ............................................................................. 11   3.1. Quoi célébrer le 1 er  janvier ? ......................................................................................... 11   3.2. Circoncision et baptême ................................................................................................ 13   Conclusion ............................................................................................................................... 16   « Les quelques gouttes de sang de la circoncision auraient suffi à la justice du Père ; elles ne suffisent pas à la misère de l’homme. » 1  Cette phrase de Dom Guéranger évoque la circoncision de Jésus qui fit l’objet de nombreuses homélies depuis l’Antiquité. La liturgie chrétienne a presque toujours fait une place à l’évocation de ce rite ouvrant la vie du bébé Jésus, en le célébrant chaque année huit jours après Noël, donc le 1 er  janvier. Cette fête liturgique mérite donc déjà notre attention par sa place dans l’histoire de la spiritualité chrétienne. Deux évènements nous ont incités à l’étudier plus en profondeur. Le premier fut sa suppression du calendrier liturgique catholique romain en 1960. Les motifs ne sont pas clairs, en raison de l’impossibilité d’accéder aux archives vaticanes pour cette période et ce sujet. Serait-ce seulement un résultat d’un retour aux sources anciennes romaines ? D’autres commentateurs y ont perçu le parachèvement de la déjudaïsation de Jésus entreprise dès les premiers siècles 2 , certains risquant même une dénonciation peut-être trop rapide 3 . La question est provocante, et il ne faut pas la balayer trop vite. Il y a une autre actualité liturgique plus récente. En 2012, un appel fut adressé au pape Benoît XVI par des biblistes et théologiens éminents en vue de rétablir la fête de la Circoncision du Seigneur au 1 er  janvier 4 . Tout cela aurait-il donc un sens spirituel et/ou 1  Prosper G UERANGER ,  L’Année liturgique. Le temps de Noël ,   Tome 1,   Paris/Poitiers, Oudin, 1905, 15 e  éd. [série éditée à partir de 1841] 482 [commentaire de Lc 2,21 dans la liturgie de la messe de la Circoncision du Seigneur]. 2  Cf. Andrew S. J ACOB , « Dialogical Differences: (De-)Judaizing Jesus' Circumcision », in :  Journal of Early Christian Studies  15 (2007) 291-335. 3  « On a parlé, autour de ces réformes, d’un “désaveu de filiation”, d’un “parricide liturgique”. » Jean-Thierry M AERTENS , Une liturgie déchantée. Réflexions et entretiens avec Bruno R OY . Manuscrit inédit, 1999, 104, à paraitre en 2013 dans la série « Documents » de la collection en ligne www.pastoralis.org. 4  Jean-Pierre S ONNET ,   Christian   R UTISHAUSER ,   Georg   B RAULIK ,   Norbert   L OHFINK ,   Gerhard   L OHFINK ,   Jean   R ADERMAKERS , « Appel à S.S. Benoit XVI en vue d’un rétablissement de la fête de la Circoncision du Seigneur le 1 er  janvier, associé à la fête de l’imposition du Nom de Jésus et de Marie, Mère de Dieu »,   in : Régis B URNET    Arnaud Join-Lambert, La disparition de la fête liturgique de la Circoncision du Seigneur. Une question historico-théologique complexe, in : Ephemerides liturgicae  127 (2013) 307-327. 2symbolique encore aujourd’hui ? Je propose une ébauche de réponse à l’aide d’une typologie issue de la liturgie elle-même depuis ses srcines jusqu’en 1960 (1), puis d’un questionnement sur les décisions contemporaines (2), et enfin de quelques perspectives en lien avec le baptême et le « huitième jour » (3). 1. Des srcines à 1960 : Une fête en dépendance Il faut tout d’abord relever le peu de littérature secondaire sur le sujet 5 . Ainsi nous aurions pu supposer une notice substantielle dans le  Dictionnaire de spiritualité  . Eh bien non, rien entre le « cilice » et la « circumambulation » ! 6  Ceci est un indice probant pour faire l’hypothèse suivante : la circoncision n’est pas un sujet qui aurait sa consistance propre en spiritualité chrétienne. Quant à la Circoncision du Seigneur, il faut la penser en dépendance, mais en dépendance de quoi ? Je propose quatre accents ayant marqué l’histoire de la fête liturgique du 1 er  janvier. 1.1. Le huitième jour  Le motif le plus ancien est le lien à la Nativité Il est évident que la fête de la Circoncision de Jésus ne peut pas apparaître en dehors de sa naissance. En fixant la date de la Nativité, on pouvait alors fixer celle de la Circoncision. Cela nous reporte au 4 e  siècle, selon les plus anciens documents attestant de la fête de Noël au 25 décembre 7 . Pour le développement historique de la fête, il ne faut pas seulement considérer l’accomplissement de la loi juive au 8 e  jour, mais aussi les lois propres à la liturgie chrétienne. Les grandes fêtes se célèbrent pendant plusieurs jours. On les munit d’une octave : octave de – Didier L UCIANI  (dir.),  La Circoncision. Parcours biblique (Le livre et le rouleau 40), Bruxelles, Lessius, 2013, 10-13. Notons d’ailleurs que ce livre est un remarquable dossier sur la circoncision dans la Bible. Récemment encore Philippe L OISEAU , « Le baptême et la circoncision », in : Sens n° 367 (mars 2012) 203-221. 5  Rudolf S CHWARZENBERGER , « Die liturgische Feier des 1. Januar », in :  Liturgisches Jahrbuch 20 (1970) 216-230 ; Christian M ARQUANT , « Un épisode méconnu de l’histoire de la liturgie catholique : la commémoration de la circoncision de Jésus », in : Dariusz D LUGOSZ  (dir.), Grecs, Juifs, Polonais : à la recherche des racines de la civilisation européenne.    Actes du colloque organisé à Paris par l'Académie Polonaise des Sciences le 14 novembre 2003  (Annales du Centre Scientifique de l’Académie Polonaise des Sciences 2), Paris, Acad. Polonaise des Sciences, 2006, 183-194. Mentionnons encore le chapitre consacré à la fête liturgique dans le livre sur la circoncision de Jean-Thierry M AERTENS ,  Le corps sexionné. Essai d’anthropologie des inscriptions génitales. Paris, Aubier, 1978 (Ritologiques 2) 142-146. Il y fait une lecture à l’appui de la thèse développée dans le volume. Sur un aspect plus particulier, Hermann B RANDT , « Was feiern Christen am 1. Januar ? Zur Wiedergewinnung eines Christuszeugnisses älterer Gesangbücher und Zinzendorfs », in :  Lutherische Kirche in der Welt 54 (2007) 79-106. 6  Les mentions sont en général en lien avec des homélies et commentaires des lettres ou de la théologie paulinienne. On ne trouve qu’une phrase explicite sur la fête de la Circoncision du Seigneur : dans l’article d’Irénée N OYE , « Jésus (Nom de) », in : Collectif,  Dictionnaire de Spiritualité  ,   Tome 8, Paris, Beauchesne, 1974, 1109-1126. 7  Selon l’interprétation commune du Calendrier philocalien datant de 354, compilation de données plus anciennes remontant au moins à 336. Cette interprétation est aujourd’hui contestée par certains historiens, qui ne certifient pas de manière absolue une fête au 25 décembre avant 362, cf. Claudio G IANOTTO , « L’srcine de la fête de Noël au IV e  siècle », in : Gilles D ORIVAL  – Jean-Paul B OYER (dir.),  La Nativité et le temps de Noël.  Antiquité et Moyen Âge , Aix-en-Provence, Université de Provence, 2003, 64-79. Plus largement voir l’ouvrage de référence de Thomas J. T ALLEY ,  Les srcines de l’année liturgique (Liturgie 1), Paris, Cerf, 1990.  Arnaud Join-Lambert, La disparition de la fête liturgique de la Circoncision du Seigneur. Une question historico-théologique complexe, in : Ephemerides liturgicae  127 (2013) 307-327. 3Pâques (la plus ancienne), octave de Noël et plus tard octave de Pentecôte, puis d’autres fêtes encore. Et le 8 e  jour concluant l’octave revêt une solennité particulière qui fait écho à la fête initiale. Pour Noël, ce 8 e  jour est donc la Circoncision du Seigneur. Ce serait son srcine aussi bien en Orient que dans les aires latines non romaines. La mention la plus ancienne connue se trouve dans le Lectionnaire de Victor de Capoue (546), texte dont l’influence byzantine est démontrée. Il contient un titre  De circumcisione Domini avec l’indication de la lecture de Rm 15,4-14. Plus tard, elle serait passée à Rome sous l’influence des Orientaux (voir plus le point 1.2.). Dans le monde latin non romain, la fête de la Circoncision du Seigneur est célébrée en Gaule et dans l’Espagne wisigothique, qui ont des rites et usages différents de Rome. Le 2 e  concile de Tours en 567 la mentionne à propos des jeûnes, avec la précision suivante : « can. 17. Excipitur triduum illud, quo ad calcandam gentilium consuetudinem patres nostri statuerunt privatas in kal. Jan. fieri litanias, ut in ecclesiis psallatur, et hora octava in ipsis kalendis circumcisionis missa deo propitio celebretur. » 8  On ne peut pas forcer l’interprétation du texte. Il nous informe simplement qu’une messe de la Circoncision est célébrée lors du 1 er  janvier, comme un jour pénitentiel contre les excès des pratiques païennes typiques du 1 er  janvier (voir plus loin mon point 1.4.). Ceci prouve aussi que la fête est d’un usage plus ancien. Elle est d’ailleurs présente dans des manuscrits liturgiques gallicans du début du 8 e  siècle mais conservant des usages plus anciens, probablement du 6 e  siècle : le  Missale gothicum , le  Missel de Bobbio et le  Lectionnaire de  Luxeuil 9 . On peut à juste titre résumer l’apparition du jour octave de Noël comme « une nouvelle fête suggérée par l’Évangile lui-même » 10 , par la circoncision de Jésus.  Le tournant du 13 e  siècle et la Légende dorée   L’installation de la fête de la Circoncision dans la liturgie romaine est plus tardive, et même définitive seulement au 13 e  siècle 11 . C’est le résultat d’échanges liturgiques romano-francs pendant cinq siècles. Il me semble que l’extension de la fête de la Circoncision du Seigneur dans toute la liturgie latine romaine n’est peut-être pas indépendante non plus de l’extraordinaire influence qu’aura la  Légende dorée de   Jacques de Voragine (milieu du 13 e  siècle) sur la liturgie latine, le calendrier et la piété populaire 12 . En piochant çà et là chez ses auteurs sources (comme Saint 8  « Et, puisque, de la Nativité du Seigneur à l’Épiphanie, il y a chaque jour des fêtes, ils déjeuneront également, sauf durant les trois jours qu’ont fixés nos Pères pour contrecarrer les coutumes des païens : aux calendes de janvier auront lieu des litanies particulières ; que l’on psalmodie à l’église, et que le jour même des calendes se célèbre à la 8 e  heure, Dieu aidant, la messe de la Circoncision. » Jean G AUDEMET ,   Brigitte B ASDEVANT (ed.),  Les canons des conciles mérovingiens (VI  e -VII  e  siècles) ,   (Sources chrétiennes 354) . Paris, Cerf, 1989, 362-363. 9  Cf. Fernand C ABROL , « Circoncision (Fête de la) », in : I D . – Henri L ECLERCQ  (dir.),  Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie ,   Tome 3,2, Paris (1914) 1718. 10  François V ANDENBROUCKE , « Les srcines des octaves romaines », in :  Les Questions liturgiques et Paroissiales 28 (1947) 141-153, ici 144. 11  Cf. Adam A DOLF , « Beschneidung. IV. Fest der B. des Herrn », in : Walter K ASPER  (dir.),  Lexikon für Theologie und Kirche ,   3 e  éd., Tome   2, Freiburg i.Br., Herder, 1994, 310. 12  J ACQUES DE V ORAGINE ,  La Légende dorée , édition sous la dir. d’Alain B OUREAU  (Bibliothèque de la Pléiade 504), Paris, éd. Gallimard, 2004. Avant Jacques de Voragine, les passages consacrés à la fête de la  Arnaud Join-Lambert, La disparition de la fête liturgique de la Circoncision du Seigneur. Une question historico-théologique complexe, in : Ephemerides liturgicae  127 (2013) 307-327. 4Bernard), celui-ci fait un long développement très argumenté pour justifier la solennité que mérite cette fête. Pour lui, « sed notandum quod sunt octavae suppletionis, ut est octava nativitatis domini, in qua supplemus, quod minus in festu factum fuerat, scilicet officium de parturiente » 13 . La dépendance est donc totale. Il ajoute trois autres « motifs » de célébration : l’imposition du nom, la première effusion de sang du Christ pour les hommes 14 , la volonté par le Seigneur lui-même d’être circoncis. En effet, le Seigneur révèle six intentions à travers cet acte : montrer la réalité de son incarnation, appeler à accepter la circoncision spirituelle 15 , enlever une excuse aux Juifs qui l’auraient refusé s’il était incirconcis, tromper le démon, accomplir une justice parfaite et montrer son approbation de la loi de Moïse. Jacques de Voragine développe enfin les quatre raisons pour lesquelles la circoncision a lieu le huitième jour. Au fil des siècles suivants, les commentaires et sermons sur la fête feront écho à l’un ou l’autre des aspects développés ici 16 . Une fête parmi le mystère de l’Incarnation Bref, pour résumer cette « dépendance » de la fête de la Circoncision du Seigneur, je citerai Dom Prosper Guéranger qui eut une influence majeure sur la spiritualité et la théologie liturgique au 19 e  siècle et a ouvert la voie au mouvement liturgique : « Ce jour n’est pas seulement consacré à honorer la Circoncision de Jésus ; le mystère de cette Circoncision fait partie d’un plus grand encore, celui de l’Incarnation et de l’Enfance du Sauveur ; mystère qui ne cesse d’occuper l’Église, non seulement durant cette Octave, mais pendant les quarante jours du Temps de Noël . » 17  Relevons par ailleurs que cette phrase est la seule concernant la Circoncision proprement dite, dans les sept pages introduisant le 1 er  janvier, tout le reste porte sur la Vierge Marie. 1.2. À l’ombre de Marie à Rome Voyons maintenant une deuxième dépendance, en reliant cette fête à Marie. Celle-ci joue en effet un rôle central dans la Nativité, tant concrètement que théologiquement. Grâce aux sources liturgiques les plus anciennes, les liturgistes sont d’accord pour affirmer que la plus ancienne compréhension théologique et spirituelle de Marie est celle liée à la Nativité, donc à Circoncision étaient plutôt brefs dans les commentaires, cf. Ibid. 1099. Notons que Jacques de Voragine a rédigé cinq sermons sur la Circoncision, cf. ibid. 1100. 13  J ACOBUS DE V ORAGINE ,  Legenda aurea: vulgo historia lombardica dicta.  Ed. par   Theodor G RÄSSE , Dresde, 1846, 79. « On trouve des octaves de compléments, comme celle de Noël, où nous complétons ce qui a manqué dans la célébration de la fête . » Édition française dirigée par Alain B OUREAU , 98.   14  « Hodie enim sanguinem suum primo pro nobis fundere coepit, qui ipsum postmodum plures effundere voluit. » J ACOBUS DE V ORAGINE ,  Legenda aurea , 82. « C’est en ce jour que, pour la première fois, il a commencé à répandre son sang pour nous, lui qui, par la suite, a plus d’une fois voulu le verser » Édition française dirigée par Alain B OUREAU , 102. L’insistance sur l’effusion du sang salvateur est une srcinalité de Jacques de Voragine, cf. Ibid. 1100. C’est la première effusion de sang sur les cinq : circoncision, dans la prière à Gethsémani, dans la flagellation, dans la crucifixion, dans l’ouverture de son côté par le coup de lance. 15  Jacques de Voragine cite ici un texte fameux de St Bernard. 16  On le voit très bien dans les livres destinés aux laïcs à partir du 19 e  siècle, paroissiens romains et missels de fidèles. 17  Prosper G UERANGER ,  L’Année liturgique. Le temps de Noël, Tome 1,   Paris/Poitiers, Oudin, 1905, 15 e  éd. [série éditée à partir de 1841] 465.  Arnaud Join-Lambert, La disparition de la fête liturgique de la Circoncision du Seigneur. Une question historico-théologique complexe, in : Ephemerides liturgicae  127 (2013) 307-327. 5la fête de Noël 18 . Dans le rite romain dès qu’apparait l’octave de Noël, sa conclusion solennelle le 8 e  jour est consacrée au souvenir de Noël avec une attention particulière à l’œuvre de Marie dans le salut offert aux êtres humains, depuis la toute fin du 6 e  siècle semble-t-il 19 . Plusieurs sources liturgiques romaines parmi les plus anciennes et des traces romaines dans les sources gallicanes anciennes concordent pour donner une dimension mariale au 1 er  janvier, parfois dans le titre Octave Domini   ad Sanctam Mariam ou des titres analogues (y compris un  Natale Sanctae Mariae ), même si d’autres sources l’ignorent 20 . La lecture aurait été Mt 13,44 et suivants, avant de céder la place à Lc 2,21-32 à un moment indéterminé 21 . L’enjeu est important pour notre question puisque la suppression de la fête en 1960 semble avoir été provoquée par un retour à une liturgie romaine antique aux contours pourtant mal délimités. Depuis au moins la seconde moitié du 7 e  siècle, la liturgie stationnale (célébrée par l’évêque de Rome) de la fin de l’octave était célébrée à l’église Sainte-Marie-des-Martyres, consacrée en 609 (l’ancien Panthéon) 22 . Qu’en était-il auparavant ? Nul ne peut répondre avec certitude, mais une hypothèse impossible à prouver éclaire quelque peu notre recherche. Certains auteurs pensent en effet que la liturgie stationnale mariale du 1 er  janvier aurait d’abord été célébrée dans l’église Sainte-Marie-Antique 23 . Or cette église était affectée aux moines grecs et syriens ainsi qu’aux officiers byzantins 24 , à une époque où plusieurs papes étaient d’srcine byzantine 25 . Cela expliquerait-il que la Circoncision du Seigneur déjà célébrée en Orient ait pris place à Rome par le moyen de la péricope évangélique, en étant associée à la fête mariale préexistante du 1 er  janvier. Ce que nous connaissons mieux est le transfert de la liturgie stationnale du 1 er  janvier depuis Sainte-Marie-des-Martyres à la basilique Sainte-Marie-du-Transtevere sous le pape 18  Dans la continuité de l’affirmation classique de Georges F RÉNAUD , « Le culte de Notre Dame dans l’ancienne liturgie latine », in : Η ubert DU M ANOIR  (dir.),  Μ  aria. Études sur la sainte Vierge , Tome 6, Paris, Beauchesne, 1961, 157-211, ici 209 : « D’abord destinés à Noël, les psaumes [des liturgies mariales] nous montrent comment, aux yeux de l’Église, Noël était la première fête de Notre Dame ». 19  Cf. Bruno K LEINHEYER , « Maria in der Liturgie », in : Wolfgang B EINERT  – Heinrich P ETRI ,  Handbuch der  Marienkunde , Regensburg, Pustet, 1984, 404-439, ici 421. Cette fête existe en tout cas avant l’introduction à Rome des quatre grandes fêtes orientales importées au 7 e  siècle : Purification, Annonciation, Assomption et Nativité de Notre Dame. 20  Cf. Bernard B OTTE , « La première fête mariale de la liturgie romaine », in : Ephemerides liturgicae 47 (1933) 425-430. Il faut compléter cette étude par G. F RENAUD ,   Le culte de Notre Dame, 169-171, qui donnent des sources relativisant les affirmations de Dom Botte, en s’appuyant sur l’édition du Sacramentaire gélasien par Antoine C HAVASSE  en 1959. 21  Des manuscrits du type carolingien donnent Mt 13,44-45, Mt 13,44-52 ou Mt 25,1, ce qui prouverait selon Botte que ce serait une trace d’un ancien usage montrant que la première fête mariale spécifique à Rome fut fixée le 1 er  janvier (en Orient chez les Grecs, ce fut le 26 décembre), cf. B. B OTTE ,   La première fête mariale. 22  Église consacrée par le pape Boniface IV, la date de l’assignation de la liturgie stationnale à Ste-Marie-des-Martyres n’est par contre pas connue. Elle est mentionnée dans le  Lectionnaire de Würzburg  (entre 657 et 672). 23  Construite sur le forum à partir d’un ancien bâtiment impérial, peut-être vers la fin du 5 e  siècle et certainement avant 555, elle fut détruite partiellement en 847. Il existe à ce sujet une monumentale étude interdisciplinaire par Wladimir DE G RÜNEISEN , Sainte-Marie antique , Rome, Bretschneider, 1911, qui associa divers chercheurs à son travail. Voir ici Joseph D AVID , S.Marie-Antique. Étude liturgique et hagiographique , Rome, Bretschneider, 1911, disponible sur le site http://archive.org. Mais il n’y a pas de sources permettant d’attester une liturgie proprement stationnale dans cette église le 1 er  janvier. 24  Cette hypothèse identifie cette église avec l’église titulus syriaci , en s’appuyant sur la décoration typiquement byzantine. 25  Entre 606 et 752, on compte treize papes d’srcine byzantine dont six syriens.