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L'environnement Du Lac Ifrah (moyen Atlas, Maroc) : Physico-chimie Des Eaux Et Sédimentation Actuelle Environment Of Ifrah Lake (middle Atlas, Morocco): Water Physico- Chemistry And Modern Sedimentation

L'environnement du lac Ifrah (Moyen Atlas, Maroc) : physico-chimie des eaux et sédimentation actuelle Environment of Ifrah Lake (Middle Atlas, Morocco): water physico- chemistry and modern sedimentation

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   Africa Geoscience Review , Vol. 15, No. 4, 303-317 , 2008 1117−370 X/2008 All rights reserved Printed in France © 2008  Rock View Ltd 303 L’environnement du lac Ifrah (Moyen Atlas, Maroc) : physico-chimie des eaux et sédimentation actuelle E TEBAAI ,   I.,   D AMNATI ,   B.,   B ENHARDOUZE ,   H.,   B ENHARDOUZE ,   O., R  EDDAD ,   H.,   M AATOUK  ,   M.   et   *T AIEB ,   M. Faculté des Sciences et Techniques, Département des Science de la terre, Laboratoire Environnement, océanologie et Ressources Naturelles, B.P 416 Tanger, Maroc *CNRS, CEREGE, B.P 80, 13545, Aix en Provence, France Correspondance : [email protected]  Résumé   - Le lac Ifrah, situé dans le causse moyen atlasique marocain, est un lac naturel endoréique. Ses eaux sont calco-magnésiennes, relativement alcalines, bien oxygénées et sursaturées en alcalino-terreux. L’influence climatique est matérialisée par une dilution des eaux de la saison chaude (été) à la saison froide (hiver). La composition sédimentologique et géochimique des sédiments de surface est fonction de l’hydrodynamisme et de la  productivité du lac. En allant vers le centre du lac, on assiste à une diminution des fractions grossières et des carbonates et à une augmentation des fractions fines, de la matière organique et de la susceptibilité magnétique. Les teneurs assez élevées en carbonates au niveau des bordures sont d’srcine détritiques et biogéniques. Les faibles teneurs en matière organique sont en liaison avec l’abaissement actuel du niveau lacustre alors que le faible taux de sédimentation est lié à la diminution des apports terrigènes par les flux hydriques. La sédimentation actuelle au niveau du lac Ifrah est influencée par la production autochtone et les apports saisonniers issus du basin versant et parfois des apports éoliens.  Mots clés  -  Moyen Atlas, lac Ifrah, physico-chimie des eaux, sédiments d’interface, sédimentologie, géochimie, érosion, influence climatique, action anthropique. Environment of Ifrah Lake (Middle Atlas, Morocco): water physico-chemistry and modern sedimentation  Abstract - The Ifrah lake, located in the Moroccan middle atlas mountain, is a natural endorheic lake. It is a tectono-karstic lake srcin. Its waters are calco-magnesian, relatively alcalin, very oxygenated and supersaturated in alkaline earth. The climatic influence is materialized by a waters dilution from summer to the winter. Sedimentological and geochemical composition of the modern sediments is a function of the hydrodynamism and the productivity of the lake. We assist crescentic sorting of the coarse fractions and carbonates towards the lake center and in an increasing sorting of the fine fractions, the organic matter and the magnetic susceptibility. The high carbonate contents in the borders are from detritical and biogenic srcin. The deterioration of the environmental conditions during the last century in the Lake Ifrah is due to the drying out of the climate and to the anthropogenic disturbances. This is marked by the increase of the autochthonous  productivity which is realized by a tendency towards a stronger ascendancy of the organo-carbonated sedimentation. The low contents of organic matter are correlated with the  present lowering of lake level. While the weak rate of sedimentation is connected to the decrease of the earthy matter contributions by hydric streams. The modern sedimentation in Lake Ifrah is mainly influenced by autochthonous production, seasonal drainage basin and wind action. Key words  - Middle Atlas, Ifrah Lake, physico-chemistry of water, modern sediments, sedimentology, geochemistry, erosion, climatic influence, human impact.  L’environnement du lac Ifrah (Moyen Atlas, Maroc) : physico-chimie des eaux et sédimentation actuelle   304   INTRODUCTION Un lac est un système aquatique en échange  permanent avec le milieu extérieur dont il dépend. C’est à la fois un système de transfert, de stockage et de recyclage pour l’eau, la matière (minérale et organique) et l’énergie (cinétique, thermique, lumineuse et potentielle) (Gasse, 1992 ; Damnati, 2000). Les lacs sont très sensibles et répondent rapidement aux variations de conditions environnementales et climatiques (Kelts et Talbot, 1990 ; Damnati, 1997). Cette sensibilité est fréquemment influencée par d’autres facteurs, par exemple l’action anthropique, l’activité tectonique et/ou volcanique (Bertrand, 2005). Ils présentent l’alternative de fournir un bon enregistrement local des variations du climat et de l'impact humain. Ils peuvent répondre au rapport  précipitation-évaporation avec un changement  principalement dans le niveau et la qualité des eaux (Flower & Foster, 1992). L’enregistrement sédimentaire, induit par les fluctuations climatiques sur l’écosystème lacustre, peut souvent être révélé par les techniques  paléolimnologiques (Lerman, 1978; Margraf et al ., 1986; Gasse et al ., 1987 ; De Deckker et Forester, 1988 ; Flower et al ., 1989 ; Damnati, 1998 ; Damnati, 2000 ; Damnati & Taieb, 2003). L’Atlas marocain recèle plusieurs petites retenues d’eau permanentes (Flower & Foster, 1992). Ces hydrosystèmes occupent des fonctions socio-économiques et écologiques très importantes à l’échelle du pays (Chillasse et al ., 2001 ; Chillasse et Dakki, 2004). La majorité de ces lacs  présentent l’avantage de n’avoir aucun exutoire, ainsi on peut les considérer comme de gigantesques pluviomètres (Benkaddour, 1993 ; Damnati, 1997). De nombreux travaux de recherche paléolimnologiques ont été menés sur des séquences lacustres du Moyen Atlas marocain incluant des approches pluridisciplinaires (sédimentologie, géochimie, minéralogie et  paléobiologie). Ces travaux ont confirmé que les variations hydroclimatiques du Moyen Atlas marocain prennent une ampleur générale en relation avec les grands changements de la circulation atmosphérique et océanique au cours du Quaternaire (Lamb et al ., 1989 ; El Hamouti et al ., 1991 ; Benkaddour, 1993 ; Lamb et al ., 1995 ; Henry et al , 1995 ; Cheddadi et al ., 1998 ; Cheddadi et al ., 2004 ; Rhoujjati, 2007 ; Damnati et al ., 2007). Le Moyen Atlas marocain en  particulier est le siège d’action et rétroaction du climat-environnement-Homme (Damnati et Taieb, 2003). L’étude des systèmes lacustres engagée  permettra donc de repérer les signaux anthropiques liés à la déforestation et aux exploitations agricoles d’une part et le rôle du climat d’autre part. Ce travail porte sur l’étude des paramètres  physico-chimiques des eaux ; sédimentologiques et géochimiques des sédiments d’interface du lac Ifrah. Il vise à caractériser l’environnement actuel du lac et à reconstituer les changements qu’a subi l’écosystème lacustre en relation avec son bassin versant au cours du dernier siècle. SITE D’ETUDE Le lac Ifrah (33° 33’N, 04° 56’W, 1610 m d’altitude) fait partie des lacs naturels du Causse moyen atlasique septentrional (figure 1). La dépression lacustre est considérée comme étant la  plus grande et la plus spectaculaire du causse moyen atlasique. La lithologie du bassin versant est formée essentiellement de dolomie et de calcaire dolomitique liasique reposant en concordance probable sur des formations tendres d’argilites triasiques (Colos, 1961) (figure 1). Un affleurement de calcaire miocène couvre en partie le plateau de Dahar qui domine le lac par une corniche au sud-est. Des cônes de déjection quaternaire descendent en pente douce vers le lac  principalement du côté sud (figure 1). Le lac Ifrah se trouve dans une région relativement bien arrosée du Causse moyen atlasique. Aucune station météorologique ne se trouve dans le site d’étude. La principale station se trouve à Ifrane à une dizaine de kilomètres (figure 2). La pluviométrie dans le lac Ifrah s’approche de 900 mm. La saison des pluies s’étend de novembre à avril. L’enneigement est fréquent. La température moyenne varie entre 3 et 16°C. Les températures minimales sont enregistrées de septembre à juin (Martin, 1981). Le lac est situé relativement à l’abri du vent. Il constitue un étang d’eau dont la profondeur maximale n’excède pas 2 mètres au cours des deux années 2003/2004 avec une profondeur moyenne de 0,5 m. Sa superficie est de 200 ha environ à son extension maximale avec un périmètre de 5,6 km (tableau 1). Il est alimenté essentiellement par l’émergence de la nappe phréatique, les  précipitations directes (neiges et pluies) ainsi que  par l’écoulement temporaire pendant la saison humide. La cuvette lacustre de type endoréique ne  permet pas l’évacuation des eaux. Les pertes sont dues essentiellement à l’évaporation et aux  prélèvements d’eau par les riverains.  Etebaai, I., Damnati, B., Benhardouze, H., Benhardouze, O., Reddad, H., Maâtouk, M.   et Taieb, M. 305   Fig. 1 A. Carte géologique simplifiée du Moyen Atlas (d’après la carte géologique du Maroc au 1/1 000 000). B. Carte géomorphologique du moyen Atlas (région de Sefrou au 1/1 000 000) et localisation du site d’étude d’après Martin, 1981. C. paléocontraintes identifiées aux alentours du lac Ifrah d’après Hinaje et Ait Brahim, 2002. A. T. T. : accident de Tizi N’Tretten S1, S2, S3, S4 et S5 : sites de mesures microtectoniques et stéréogrammes. Fig. 1A. Simplified geological map of Middle Atlas (after the geological map of Morocco 1/1 000 000). B. Geomorphological map of Middle Atlas (region of Sefrou 1/1 000 000) after Martin, 1981. C. Palaeostresses identified in the area of Ifrah Lake after Hinaje and Ait Brahim, 2002. A. T. T.: Tizi N’Tretten fault. S1, S2, S3, S4 and S5: sites of microtectonic measurements and stereograms. Fig. 2.  Diagrammes ombrothermiques de la station d’Ifrane-aviation (1663 m d’altitude)  pour les deux années 2003 et 2004. Fig. 2. Ombrothermal diagrams of Ifrane-aviation station (1663 m of elevation) for two years 2003 and 2004.     Africa Geoscience Review , Vol. 15, No. 4, 303-317 , 2008 1117−370 X/2008 All rights reserved Printed in France © 2008  Rock View Ltd 303 Le bassin hydrographique du lac s’étale sur une surface de 45,77 km 2  avec un périmètre de 32,9 km (tableau 1). Cette surface se répartit entre 1 941 m et 1 610 m. La topographie du  bassin versant est caractérisée par des versants  plus ou moins escarpés au nord et au sud du  bassin (figure 3). Le réseau hydrographique de surface est caractérisé par des ruisseaux à écoulement temporaire limité aux périodes  pluvieuses. Ces ruisseaux s’infiltrent aisément dans les substrats calcaro-dolomitiques. Les versants à l’intérieur du bassin sont  principalement exposés vers l’ouest et le sud-ouest dans la moitié est du bassin et vers l’est et le sud-est dans la moitié ouest du bassin (figure 3). La végétation est fonction plutôt du climat que du sol (Martin, 1981 ; Benabid, 1982). L’espèce végétale dominante est le chêne vert. La forêt est plus dense au sud et au sud-ouest du  bassin versant où se mélange avec la cédraie de  basse altitude (vers 1800 m). L’absence de la végétation au fond de la cuvette est due au froid instauré par les phénomènes d’inversion thermique (Pujos, 1962). Une activité agricole vivrière est pratiquée aux alentours du lac. MATERIEL ET METHODES La méthodologie que nous avons entreprise  pour la réalisation de ce travail a commencé d’abord par trois visites au site d’étude. La  première a été organisée au mois d’août 2003, la deuxième au mois de janvier 2004 et la troisième au mois d’avril 2004. Une vingtaine d’échantillons d’eau ont été prélevés lors de chaque mission. Des flacons de polyéthylène ont été utilisés. Une glacière réfrigérée a servi pour la conservation des échantillons. Une vingtaine de petites carottes de sédiment d’interface ont été prélevées au cours de la mission d’avril 2004. Deux carottes de 50 cm de longueur ont été prélevées au cours de la mission de septembre 2000 à l’aide d’un carottier Kajack (figure 4). Un modèle numérique de terrain (MNT) a été réalisé à partir de la numérisation des courbes de niveau et des points côtés de la carte topographique de 1/50 000 (région d’Youn Snane où se trouve le lac Ifrah) à l’aide d’un logiciel de SIG : ArcView GIS 3.3. Les étapes d’élaboration du MNT sont : le géoréférencement de la cartes topographique ; la digitalisation des courbes de niveau et des points côtés ; la création d’un Triangular Irregular  Network (TIN) et enfin l’élaboration du Modèle  Numérique du Terrain (MNT) (figure 3). Quelques paramètres physico-chimiques de l’eau ont été mesurés in situ  à l’aide des appareils portatifs. Ces mesures concernent le  pH, la conductivité électrique, la turbidité et l’oxygène dissous. Les éléments majeurs ont été Fig. 3.  Modèle numérique du terrain (MNT) du  bassin versant du lac Ifrah. A : altimétrie ; B : exposition ; C : couvert végétal. Fig. 3. Numerical model of catchment area of lake Ifrah. A : altimetry ; B : exposure ; C : vegetal cover.    Etebaai, I., Damnati, B., Benhardouze, H., Benhardouze, O., Reddad, H., Maâtouk, M.   et Taieb, M. 305 mesurés à l’unité d’appui technique à la recherche scientifique (UATRS, CNRST-Rabat-Maroc). Les cations (calcium, magnésium, sodium et potassium) ont été déterminés par spectrométrie d’émission atomique couplée à un  plasma induit (ICP-AES). Les chlorures ont été mesurés par la même technique du fait que l’appareil d’ICP-AES dispose d'une extension de longueur d'onde optionnelle à 120 nm pour l’analyse UV lointain des éléments halogènes (notamment le chlore). Tableau 1. Caractéristiques morphologiques du lac Ifrah et de son bassin versant. Table 1. Morphological characteristics of  Ifrah Lake and the catchment  . Caractéristiques du bassin versant Altitude min (m) 1610 Altitude max (m) 1941 Superficie (km 2 ) 45,77Périmètre (km) 32,9 Caractéristiques du lac Prof max (m) en 2003-2004 2 Prof moy (m) 0,5 Superficie (ha) 200 Périmètre (km) 5,6 Afin de cartographier les aires de sédimentation actuelle au niveau du lac Ifrah, on a analysé les cinq premiers centimètres de chaque carotte. La reconstitution de l’histoire hydroclimatique du lac au cours du dernier siècle a été réalisée par l’analyse de deux carottes d’environ 50 cm de profondeur (figure 4). Le taux d’accumulation récent a été estimé  par une méthode radio-isotopique du 210 Pb au niveau de la carotte centrale (figure 4). La mesure de l’activité du 210 Pb a été effectuée au CEREGE (Aix-en-Provence France) par spectrométrie alpha via le 210 Po (élément fils du 210 Pb) après une digestion acide (HNO3+HCl+HF) sous chauffage (Schell et  Nevissi, 1983). Le comptage sur des disques d’argent a été effectué dans des chambres de comptage ORTEC (Hamilton & Smith, 1986). L’activité mesurée (en Bq. kg -1 ) est amenée à la date de collecte. Le taux d’accumulation récent au niveau de la carotte centrale a été déterminé  par la mesure de la désintégration du 210 Pb en excès. Le modèle de calcul appliqué est le C.F/C.S (constant flux, constant sedimentation rate) (Appleby et Oldfield, 1983). Fig. 4 . Topographie et sites de prélèvements des sédiments d’interface au niveau du lac Ifrah (1 : carotte1, 2 : carotte 2). Fig. 4. Samplings sites of modern sediments of lake Ifrah (1:core1 and 2: core 2).