Preview only show first 10 pages with watermark. For full document please download

Note De Lecture Maria Malatesta, 'professionisti E Gentiluomini. Storia Delle Professioni Nell’europa Contemporeana' » Sociologie Du Travail, Vol. 50, N°2, 2008

Note de lecture "Maria Malatesta, 'Professionisti e gentiluomini. Storia delle professioni nell’Europa contemporeana' » Sociologie du Travail, vol. 50, n°2, 2008

   EMBED


Share

Transcript

  268  Comptes rendus nouveaux-nés, d’autres facteurs interagissent. Pour les médecins, même s’ils savent déjà que lepronostic est mauvais, il leur faut contenir «le pessimisme», afin de maintenir l’enthousiasme del’équipe, quitte à «surjouer l’incertitude» et l’optimisme. Or les infirmières ne sont pas dupes,d’autant que le pessimisme constitue une ressource dont elles peuvent avoir besoin, ne seraitce que pour contraindre les médecins à les «prendre au sérieux» ou pour pouvoir pratiquer latechnique de «l’attachement rétractable» qui leur permet de se protéger émotionnellement. Il estcourant d’associer la morale au désintéressement, pourtant l’analyse proposée par Anne Pailletmontre comment les «intérêts sociaux» des médecins seniors, des internes et des infirmièresinterviennent aussi dans la fabrication des options de poursuite ou d’arrêt de la réanimation desnouveaux-nés.L’intérêtsociologiquedecetouvrageestindéniable,carilabordedesquestionsactuellementaucœurdespréoccupationsdenossociétésetillefaitenpartantnonpasdecequelesprofessionnelsdisent de leurs pratiques, mais de l’observation des situations dans lesquelles ces décisions sidifficiles se prennent vraiment. Mais au-delà de l’intérêt sociologique, ce livre a une autre qualité,celle de restituer l’humanité profonde qu’il y a non seulement à sauver la vie, mais aussi à donnerla mort.Danièle Carricaburu GRIS, université de Rouen, rue Lavoisier, 76821 Mont-Saint-Aignan, France Adresse e-mail :  [email protected] doi: 10.1016/j.soctra.2008.03.015 MariaMalatesta,ProfessionistieGentiluomini.Storiadelleprofessioninell’Europacontem-poranea, Einaudi, Turin, 2006 (399 p.) C’estunevastehistoiresocialecomparéedesprofessionsintellectuellesdansquatrepays(Italie,France,Grande-BretagneetAllemagne)delafindu xviii e siècleànosjoursquepropose,danssondernier ouvrage, Maria Malatesta, professeur à l’université de Bologne, spécialiste reconnue del’histoire du genre et des «  professionisti » (littéralement, les «professionnels»,les «experts»),concept qu’elle s’emploie ici à définir avec précision dans l’introduction. Les professions quifont l’objet de son étude (en l’occurrence, l’ensemble des professions juridiques, médicales,économiques ou managériales et de l’ingénierie scientifique et technique) présentent, en effet,trois caractéristiques essentielles que l’auteur met au centre de son analyse: elles requièrent undiplôme universitaire de haut niveau, sont règlementées par l’État et par des associations ou desordres ayant une fonction de représentation et de contrôle et, surtout, ont fourni pendant deuxsiècles «l’ossature des classes dirigeantes nationales» (p.9).MariaMalatestaconsacreainsisapremièrepartieàl’enseignementsupérieur,dontellemontrelerôled’interfaceentrelesprofessionsintellectuellesetl’État,puisqu’ils’agitbiendulieuoùs’estle plus nettement illustré le rapport de force entre ces deux entités largement interdépendantesaux intérêts parfois divergents. Parce que les États-nations en construction avaient besoin d’élitespolitiques et de cadres dirigeants, les premières ont su, au cours des  xix e et  xx e siècles, fairepression sur le second pour obtenir sa reconnaissance, sa protection, en même temps qu’unecertaine autonomie pour le contrôle des voies d’accès et le monopole sur leur champ d’activité.Les États, quant à eux, ont pu imposer un certain nombre de reconfigurations des systèmesprofessionnels, en fonction, soit de leurs besoins (notamment, comme le montre l’auteur, sous  Comptes rendus  269 les régimes totalitaires), soit, plus récemment, d’impératifs internationaux –– comme c’est le casactuellement avec les recommandations de l’Union européenne concernant la féminisation.Privilégiant une approche sociohistorique centrée sur les discontinuités et les rupturesd’équilibre à une analyse plus strictement sociologique, Maria Malatesta considère donc un àun ces systèmes professionnels dans une perspective toujours diachronique, afin de mettre enévidence non seulement leurs caractéristiques historiques et structurelles (hiérarchies internes,division du travail, évolutions institutionnelles, mutations du statut social et symbolique, etc.),maissurtoutlesrésistancesoulesadaptationsinternessuscitéesdans(etpar)lesmomentsdecrise.Enfin,parcequel’évolutiondesprofessionsintellectuellesaaccompagné––enycontribuantpar-fois directement – la plupart des bouleversement sociopolitiques européens (structuration desÉtats-nations, industrialisation, construction de l’État-providence . . . ), l’auteur prend le parti decomparersystématiquemententreeuxlesdifférentscontextesnationauxpourchacundessecteursenvisagés. Ainsi, si divers qu’aient été les chemins politiques et institutionnels empruntés par lesprofessions intellectuelles dans ces quatre pays, pour arriver à la situation présente, caractériséepar les tentatives uniformisatrices de l’Union européenne et la nécessaire recherche d’un nou-vel équilibre entre service public et marché, Maria Malatesta parvient à montrer la force desinfluences transnationales et la fréquence –– quoique selon des temporalités différentes –– desréactions comparables au sein de chaque système professionnel.Aprèscetteprésentation,richeendétailshistoriques,del’évolutiondessystèmesprofessionnelset des contextes nationaux singuliers, l’auteur consacre son sixième chapitre au «problème» del’arrivée des femmes dans ces professions de prestige, qui se sont construites sur le modèle du«club de gentilshommes» (p.288). La volonté de Maria Malatesta d’envisager la féminisationsous l’angle de la «crise d’identité», qu’elle a impliquée (et implique encore!) pour l’ensemblede ces professions intellectuelles à peu près au même moment dans tous les pays d’Europe, justifie son choix d’y consacrer spécifiquement une partie dans son étude. Elle montre ainsi quela féminisation s’est à chaque fois réalisée en deux étapes: il fallait d’abord, en effet, pour lespionnières, conquérir le droit d’investir l’espace de l’enseignement supérieur (première étapeelle-même conditionnée par leur accès –– très variable d’un pays à l’autre –– à l’enseignementsecondaire) avant de surmonter les obstacles propres à l’accès aux professions elles-mêmes.Maria Malatesta constate alors que, quel que soit le pays considéré, les professions résistentd’autant plus et d’autant «mieux» à la féminisation qu’elles sont plus anciennement structuréeset institutionnalisées. De même, la résistance d’une profession est d’autant plus forte que lesdispositions perc¸ues comme indispensables à son exercice relèvent de qualités «viriles» et queles inévitables entraves  culturelles  à la féminisation se trouvent appuyées et renforcées par desaspectsplusstrictement organisationnels .Touteladémonstrationdecettepartieestainsistructuréesur l’opposition, clairement démontrée, entre le droit et la médecine sur ce point.Deux petits reproches pourraient cependant être faits: l’un lié à la densité de l’ouvrage, l’autreaux choix éditoriaux. La profusion de détails érudits, qui reste une grande qualité de ce travail, amalheureusement parfois tendance à «perdre» le lecteur et dissout quelque peu la force démons-tratrice de la démarche comparative. Peut-être une synthèse, en fin d’ouvrage, aurait-elle étéutile? Enfin, si on ne peut qu’apprécier la richesse d’une bibliographie de 40pages, rassemblantdes références (notamment italiennes) peu connues en France, on peut regretter, pour une étuded’une telle envergure, l’absence d’un index thématique qui aurait permis un usage plus pratiquede l’ouvrage, pour les étudiants notamment, en permettant d’aller y «piocher» selon les besoins:gageons que ce petit défaut sera réparé dans l’édition franc¸aise –– car on ne peut qu’espérerune traduction rapide d’un livre qui deviendra, sans nul doute, une référence incontournable del’histoire sociale des professions intellectuelles.  270  Comptes rendus Séverine Sofio  EHESS (CMH-équipe ETT), université Paris-1, Panthéon-Sorbonne,19, rue de Wattignies, 75012 Paris, France Adresse e-mail :  severinesofi[email protected] doi: 10.1016/j.soctra.2008.03.016 Frédéric Ocqueteau, Mais qui donc dirige la police? Sociologie des commissaires, ArmandColin, Paris, 2006 (318 p.) Lescommissairesdepoliceontlongtempsétéabsentsdesrecherchessociologiques,etce,toutd’abord, au sein des deux courants de recherche qui auraient pu les constituer en objet d’étude:la sociologie de la police et la sociologie des élites administratives. Du côté de la sociologie dela police, les travaux précurseurs de Dominique Monjardet, nourris d’une tradition de sociologiedu travail, ont privilégié une sociologie de l’activité policière aux échelons subalternes. Cetteapproche, qui mettait l’accent sur la capacité de régulation autonome des agents de police, s’estpeu intéressée à la hiérarchie policière en tant que telle. Quant à la sociologie des élites adminis-tratives,elleestlongtempsrestéeobnubiléeparlemodèledes«grandscorps»—dontnefontpasàproprement parler partie les commissaires de police—reproduisant ainsi dans ses propres travauxunehiérarchiedeprestige,durablementinscritedanslamorphologiedel’administrationfranc¸aise.C’est donc un champ de recherches relativement inédit qu’aborde Frédéric Ocqueteau danscet ouvrage. Il le fait d’une manière particulièrement convaincante, tant par la connaissance trèsfine du terrain, qu’il a acquise au terme de longues années de recherche, que par la méthodologieemployée et le solide appareil théorique mobilisé (emprunté à la sociologie des professions etdes politiques publique principalement).L’ouvrage, composé de dix chapitres, relativement indépendants, s’organise en trois grandesparties. La première décrit la réalité du travail de commissaire aujourd’hui. Cette entrée enmatière permet de montrer la diversité des cultures professionnelles, qui oppose trois polices:celle de sécurité publique (dédiée à la prévention de la délinquance et au maintien de l’ordre),la police judiciaire (qui agit en tant qu’auxiliaire de la justice) et la sûreté publique (couverte,principalement par les renseignements généraux). On est frappé de voir à quel point les carrièresdes commissaires se déroulent dans des filières étroitement balisées, ces derniers devenant devéritables spécialistes de leur domaine. La deuxième partie décrit les traits saillants du statutde commissaire et sa défense corporative au travers des associations qui composent le paysageprofessionnel. La dernière partie, enfin, étudie l’impact des transformations récentes de l’actionpublique (police de proximité, montée de l’évaluation et des canons du «nouveau managementpublic») sur l’identité professionnelle des commissaires.L’ouvrage donne une large place à la parole des commissaires eux-mêmes, sous la formed’extraits d’entretiens ou de récits de vie. Le matériau empirique est constitué d’une soixantained’entretiens auprès de commissaires, d’une observation participante réalisée lors d’un stageà l’École nationale supérieure de police (décrite dans le chapitre1) et du dépouillementde littérature professionnelle et syndicale. Au plan théorique, l’approche s’inspire de lasociologie des professions de Claude Dubar, attentive aux diverses formes d’aménagemententre les «dimensions objectives» du métier et les «trajectoires subjectives» des individus.L’auteur part de l’hypothèse que la profession de commissaire constituerait un univers moinshomogène et moins clos qu’auparavant, laissant place à l’expression de discours moinsconvenus.