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Notices In Architektur- Und Ornamentgraphik In Der Frühen Neuzeit : Migrazionprozesse In Europa, Cat. Expo Forschungsbibliothek Gotha, Dir. S. Frommel/e. Leuschner, Rome 2014

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Architektur- und Ornamentgraphik der Frühen Neuzeit: Migrationsprozesse in Europa Gravures d’architecture et d’ornement au début de l’époque moderne: processus de migration en Europe sous la direction de / herausgegeben von Sabine Frommel Eckhard Leuschner Campisano Editore Cat. 4 Pieter Coecke van Aelst (1502–1650) L’ordre corinthien: chapiteau, diamètre de la colonne et de la base Artiste non identifié, L’ordre corinthien, gravure sur bois, dans Sebastiano Serlio, Regole generali di architetura sopra le cinque maniere de gli edifici, [...], Venezia, Francesco Marcolini, 1537, fol. XLVIII Gravure sur bois, 274 x 272 mm (planche) Sebastiano Serlio, Die Gemaynen Reglen von der Architectur Uber die funf Manieren der Gebeu, Antwerpen, Pieter Coecke van Aelst, 1542, fol. 46r. 18 FB Gotha, K II 2° 00005/01 Die Gemaynen Reglen von der Architectur uber die funf Manieren der Gebeu, publiées à Anvers en 1542 – en réalité en 1543 – par Pieter Coecke van Aelst, sont une édition non autorisée des Regole generali di architettura [...] sopra le cinque maniere degli edifici de Sebastiano Serlio, plus connues sous le titre de Quarto libro. Édité la première fois à Venise en 1537 par l’imprimeur Francesco Marcolini da Forlì, l’ouvrage connut immédiatement un grand succès à l’échelle européenne et fut rapidement traduit en plusieurs langues. Son objectif était de fournir aux architectes les premières règles pour la réalisation et l’emploi des cinq différents ordres d’architecture – toscan, dorique, ionique corinthien et composite –, le tout accompagné d’exemples illustratifs élaborés par Serlio lui-même. Cette édition en langue allemande, presque exactement contemporaine d’une autre en langue française du même éditeur, reprend globalement la même mise en page que l’édition princeps et s’inspire fortement des gravures originales, sauf pour le célèbre frontispice orné de termes qui y est remplacé par une planche décorée de grotesques. L’ordre corinthien proposé par Serlio, dans ce premier volume de son ambitieux traité en sept livres, possède des supports dont la hauteur est égale à neuf diamètres. S’agissant du dessin expliquant la composition du chapiteau – qui nous intéresse plus particulièrement ici –, le théoricien bolonais a suivi la tendance en vigueur depuis Bramante et le début du XVIe siècle, en adoptant comme prototype principal le tracé des chapiteaux du vestibule du Panthéon de Rome, comme le firent plus tard Vignole et Palladio. La planche présentée ici explique les proportions adoptées, et met en évidence les rapports entre le chapiteau, le diamètre de la colonne et celui de la base. Bien qu’expressément ancré dans la tradition vitruvienne, ce Quatrième livre présente quelques différences formelles avec le Livre IV du De architectura, qui traite particulièrement des ordres. Vitruve préconise en effet de donner au chapiteau corinthien la même hauteur que le diamètre inférieur de la colonne qu’il couronne, règle que ne respecte pas le Panthéon dont les chapiteaux sont plus imposants. Les textes de l’architecte romain étant assez souvent abscons et en outre dépourvus d’illustration, les praticiens de la Renaissance avaient pris l’habitude de prendre comme base de leurs réflexions les ruines romaines antiques encore visibles, dont la variété allait cependant à l’encontre de la volonté d’homogénéité caractérisant cette période. Entre l’édition vénitienne de 1537 et celle de Pieter Coecke van Aelst, la planche présentant le dessin du chapiteau corinthien reste organisée de la même manière: la colonne de texte à gauche est directement mise en face du dessin explicatif. Certaines différences, sensibles mais pas flagrantes, montrent que le graveur a directement copié le modèle originel, en y introduisant – volontairement ou non – de petites variations. Ainsi, les traits, et notamment ceux des ombrages, semblent plus frustes et épais dans la gravure anversoise, témoignant d’une moindre maîtrise du sujet par le graveur. En outre, de petites différences existent dans la légende, où manque notamment la lettre «G» par rapport à l’édition originale. Grâce à ces éditions pirates en langue vernaculaire très précoces, le Quatrième livre de Serlio a connu une diffusion encore plus large et rapide, qui a permis son adoption par les maîtres locaux dès le milieu du XVIe siècle. Bibliographie: Vitruve, Les dix livres d’architecture de Vitruve, corrigez et traduits nouvellement en françois, trad. Claude Perrault, Paris 1673, livre IV, pp. 98-138. Krista De Jonge, «Les éditions du traité de Serlio par Pieter Coecke van Aelst», dans Sebastiano Serlio à Lyon. Architecture et imprimerie, vol. 1, Le Traité d’architecture de Sebastiano Serlio. Une grande entreprise éditoriale au XVIe siècle, dir. Sylvie Deswarte-Rosa, Lyon 2004, pp. 263–283. Sabine Frommel, «Le traité de Sebastiano Serlio: œuvre d’une vie et chantier éditorial magistral du XVIe siècle», Histoire et civilisation du livre, vol. 9 (2014), pp. 101–127. Raphaël Tassin (Paris) 19 Cat. 5 Artiste non identifié Frontispice Portrait de l’auteur, gravure sur bois, dans Francesco Marcolini, Le ingeniose sorti, Venezia 1550, frontispice (verso) Gravure sur bois, 287 x 186 mm (planche), 380 x 520 (feuille) Sebastiano Serlio, Regole generali di architettura, Venezia, Francesco Marcolini, 1544 [1545]. 20 FB Gotha, K II 2° 00005/02 (01) Nous sommes ici en présence d’un exemplaire de la troisième édition des Regole generali di architettura [...] sopra le cinqve maniere degli edifici (1544 [1545]) de Sebastiano Serlio, ouvrage consacré aux cinq ordres d’architecture. Aussi connu comme le Quarto libro, ce livre fut, malgré son nom, le premier publié par Serlio en 1537. C’est dans la préface de cette publication qu’il annonce un ambitieux programme de sept volumes au total. Devaient suivre du vivant de leur auteur le Terzo Libro sur les antiquités (1540), les Premier et Second livre consacrés respectivement à la géométrie et à la perspective (1545), et enfin le Quinto libro sur les édifices religieux (1547). Après la mort de l’architecte bolonais parurent les Sesto et Settimo libro portant sur les résidences et les accidenti. Entretemps était paru le Livre extraordinaire (1551) – littéralement “hors de l’ordre” initialement prévu. Serlio avait également travaillé, dans les dernières années de sa vie, à un volume consacré à l’architecture des camps militaires romains, communément appelé Ottavo libro, mais longtemps resté manuscrit. Notons qu’une partie de ces livres avait été initialement publiée en France – où Serlio a résidé à partir de 1541 – et certains le furent même en langues française et italienne. Cette édition, comme les deux précédentes de 1537 et 1540 [en réalité 1541], est l’œuvre de l’imprimeur vénitien Francesco Marcolini. Elle reprend les mêmes bois gravés – sauf pour le frontispice – et s’est vue simplement augmenter en guise de préface d’une lettre de l’éditeur à Alvise Cornaro, les soidisants nouveautés que l’on devait y trouver étant déjà présentes dans l’édition de 1541. Son frontispice est resté célèbre pour les deux termes – l’un féminin, l’autre masculin – engainés dans une feuille d’acanthe et encadrant le titre tout en supportant un fronton à base interrompue. Le bois utilisé pour cette édition est une regravure de celui des deux premières impressions, qui était très abîmé mais fut réutilisé plus tard par les frères Sessa qui avaient racheté une partie du matériel de Marcolini (Quinto libro de 1559, Primo e secondo libri, 1560). Le motif en fut élaboré par Serlio, sans doute inspiré par les termes Giardino segreto du palais du Te à Mantoue et ceux de la cheminée offerte par le pape Léon X au roi Manuel du Portugal en 1513. Son succès fut pour ainsi dire immédiat car il fut repris, sous forme d’une copie grossière, dans les éditions pirates du Quatrième livre en langue néerlandaise de Pieter Coecke van Aelst (1539 et 1549), alors que ce même éditeur utilisa un frontispice orné de grotesques pour celles en langues française (1542 et 1545) et allemande (1543 et 1558). Le même visuel avec supports anthropomorphes fut aussi utilisée dans des éditions espagnoles du XVIIe siècle. Les plaques originales, de manière étonnante, furent réutilisées par Francesco Marcolini lui-même dans l’un de ses propres ouvrages, Le Sorti [...] intitolate giardino di pensieri (Venise 1540, rééd. 1550). Le titre des Regole generali y est remplacé par son propre portrait. Cette association inattendue a d’ailleurs fait croire pendant longtemps, qu’il s’agissait d’un portrait, non pas de l’éditeur, mais de Sebastiano Serlio. Bibliographie: Andrea Guerra, «La réédition des Regole generali et du Terzo libro à Venise chez Francesco Marcolini en 1545», dans Sebastiano Serlio à Lyon. Architecture et imprimerie, vol. 1, Le Traité de Sebastia- no Serlio. Une grande entreprise éditoriale au XVIe siècle, Lyon 2004, pp. 242–245. Marie-Cécile Van Hasselt, «L’encadrement architectural à cariatides du Livre IV», dans Sebastiano Serlio à Lyon. Architecture et imprimerie, vol. 1, Le Traité de Sebastiano Serlio. Une grande entreprise éditoriale au XVIe siècle, Lyon 2004, pp. 90–91. Sabine Frommel, «Coullonnes en grez en façon de Thermes à mode antique: Karyatiden und Hermen am französischen Hof in den Jahren 1540», dans Synergies in Visual Culture. Bildkulturen im Dialog, Festschrift für Gerhard Wolf, dir. Annette Hoffmann/ Manuela de Giorgi/Nicola Suthor, Munich 2013, pp. 431–446. Raphaël Tassin (Paris) 21 Cat. 18 Graveur non identifié «Portale di Caprarola» Burin, 341 x 206 mm (planche) Iacomo Barozzi da Vignola, Regola delle Cinque Ordini, Venezia, Francesco Ziletti, 1583, fol. XXXVI. «Porte du Château de Caprarole», dans Augustin-Charles d’Aviler, Cours d’architecture qui comprend les Ordres de Vignole [...]. Nouvelle Édition, Paris, Pierre Jean Mariette, 1750, Pl. 46, FB Gotha 46 FB Gotha, Opp 2° 01112/02 (02) La Regola delli cinque ordini d’architettura de Jacopo Barozzi da Vignola (15071573) est le livre d’architecture qui a connu, tout au long de l’époque moderne, la fortune et la diffusion la plus importante, avec plus de cinq-cents éditions différentes, toutes langues confondues, entre 1562 et le début du XIXe siècle. Les trente-deux gravures de l’édition princeps proposent des modèles, non seulement pour les chapiteaux et les bases des cinq ordres mais aussi pour des ordonnances avec ou sans arcades. Il ne s’agit donc pas d’un véritable traité, mais un recueil d’exemples à visée pratique, que Vignole a semble-t-il élaboré en premier lieu pour son propre usage. Son succès s’explique principalement par la facilité de mise en œuvre de ses canons, grâce à un système de modules et de proportions qui, pour les architectes et les maîtres maçons, le rendait plus aisément adaptable que les Regole generali [Quatrième livre] de Serlio (1537). Assez rapidement, se sont ajoutées aux gravures originelles des planches additionnelles représentant divers bâtiments ou éléments d’architecture, certaines n’ayant qu’un lointain rapport avec les ordres en question. Les premières aggiunte consistaient en un ensemble de portes et cheminée élaborées par Vignole lui-même: le portail du palais de Caprarole, celui de la Cancelleria et de la basilique San Lorenzo in Damaso à Rome, ou encore la fameuse cheminée de Ranuccio Farnèse (aujourd’hui au palais Lancellotti), par exemple. Plus tard ce furent aussi les façades du Gesù et de la Villa Giulia. Certains éditeurs postérieurs allèrent jusqu’à inclure dans leurs volumes des réalisations d’autres architectes célèbres. Andrea Vaccario, dans ses éditions romaines de 1607 et 1610, inclut ainsi une Nuova e ultima aggiunta delle porte di architettura di Michel Angelo Buonarotti. D’autres, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, adjoignirent même le baldaquin de Bernin pour la basilique Saint-Pierre. Ces aggiunte furent bien souvent reprises dans les traductions, notamment françaises, et eurent, à côté de la Regola, leur propre influence sur la production architecturale. Dans les premières années du XVIIe siècle, non seulement des éléments vignolesques furent adoptés, comme au Palais du Luxembourg, mais les arcades toscane, dorique et corinthienne se retrouvèrent sur la porte Saint-Nicolas de Nancy (v. 1610) ou à l’Hôtel de Vogüé à Dijon (v. 1617). D’un autre côté, les portails du palais Farnèse de Caprarole, présents dans la Regola dès les éditions vénitiennes des années 1570, connurentil aussi auprès des architectes français une fortune précoce. Salomon de Brosse, l’un des architectes de l’époque parmi les plus actifs au service de la couronne de France, s’inspira fortement du portail principal lorsqu’il élabora le portail de l’hôtel de Soissons à Paris en 1611, pour Charles de Bourbon-Soissons, et son adaptation du portail rustique pour la maison de Bénigne Bernard remplaça même le modèle original dans l’édition de Pierre Le Muet (1632). Dans son Cours d’architecture, Augustin-Charles d’Aviler ne manqua pas de regraver «la porte du château de Caprarole» (fig.), mais l’objectif didactique de son ouvrage le poussa aussi à introduire une légende pour décrire certains éléments d’huisserie et d’architecture – attique, clef passante... L’influence «du Vignole», qui par antonomase prit le nom de son auteur, ne se limite pas aux hautes couches de la société française, ni à une période restreinte, puisque des portes tirées des éditions françaises de Le Muet furent adoptées encore au cours du XVIIIe siècle par des commanditaires relativement modestes comme les Bernardines d’Orgelet (Jura) ou les Bénédictins de Mouzon (Ardennes). Bibliographie: Christof Thoenes, «La Regola delli cinque ordini del Vignola», dans Les traités d’architecture de la Renaissance, dir. Jean Guillaume, Paris 1988, pp. 269–279. Christof Thoenes, «La pubblicazione della Regola», dans Jacopo Barozzi da Vignola, dir. R. J. Tuttle/B. Adorni/C. L. Frommel/C. Thoenes, Milan 2002, pp. 333–340. Claude Mignot, «Les portes de l’invention: la fortune française des Aggiunte à la Regola de Vignole», dans La Réception des modèles cinquecenteschi dans la théorie et les arts français du XVIIe siècle, dir. Sabine Frommel et Flaminia Bardati, Genève 2010, pp. 257–273. Raphaël Tassin (Paris) 47 Cat. 33 Graveur non identifié Frontispice Frontispice de Libro d’Antonio Labacco appartenente a l’architettura, s.l., s.a., burin, SUB Göttingen Burin, 313 x 204 mm (planche) Pierre Le Muet, Maniere de bien Bastir pour touttes sortes de personnes, Paris, F. Langlois dit Chartres, 1647. 76 FB Gotha, K II 2 00010/03 (03) En publiant sa Manière de bastir pour touttes sortes de personnes en 1623 chez Melchior Tavernier, l’architecte Pierre Le Muet (1591–1669) reprenait une idée déjà ancienne qui avait notamment préoccupé d’une part Francesco di Giorgio, et d’autre part Sebastiano Serlio dans son Sixième livre, dont Le Muet avait certainement connu l’un de manuscrits: il s’agissait d’adapter l’architecture résidentielle au rang social et aux capacités financières de son propriétaire, vaste question s’il en est. Mais contrairement à Serlio qui avait imaginé des demeures tant urbaines que rurales, et avec des variations entre un bâtiment du même type, selon qu’il dût être édifié pour un commanditaire français ou italien, Le Muet se cantonna de son côté aux résidences de caractère urbain. Il y propose ainsi différentes solutions pour onze «places», c’est-à-dire onze parcelles de tailles différentes, avec un texte sur une page de gauche qui commente une planche en vis-à-vis sur la page de droite correspondante. Dans la réédition opérée par François Langlois, dit Chartres, en 1647, et intitulée cette fois Manière de bien bastir, une seconde partie inédite vient compléter le propos originel resté inchangé. Elle consiste en une sorte d’anthologie des réalisations de Pierre Le Muet dans le domaine des demeures: trente-et-une estampes représentants trois hôtels parisiens et trois châteaux, gravées par Jean Marot, non sur des relevés de l’existant mais d’après des dessins de l’architecte luimême, ce qui explique les différences sensibles entre les gravures et les édifices bâtis. Le frontispice de cette seconde édition est le même que celui de la première, à quelques détails près: la dédicace au roi Louis XIII – mort entretemps – a été remplacée par l’annonce des Augmentations; le nom de l’imprimeur ainsi que l’année de publication ont été actualisés. Le reste n’a pas changé, pas même le titre, qui est donc différent de celui que l’on trouve sur la page de titre placée juste avant. La planche consiste en une sorte d’édicule très ornementé, dans la partie supérieure duquel deux anges assis portant une palme suspendent un cartouche aux armoiries royales de France (les trois fleurs de lys) et de Navarre (les chaînes d’or posées en orles, en croix et en sautoir), réunies sous une même couronne fermée. À ce cartouche sont suspendus une guirlande de fruits et deux putti tenant une tenture agrémentée du titre de l’ouvrage. De part et d’autre, se tiennent deux allégories féminines sur des piédestaux; la première à gauche – sans doute la Géométrie ? – arbore une baguette et un astrolabe, la seconde – l’Architecture – les compas, règle et équerre ainsi que le plan d’un temple pseudo-périptère tétrastyle qui est sans doute celui de la Fortune Virile à Rome. L’utilisation de ces allégories n’était pas une nouveauté, puisqu’on les trouvait déjà dans les frontispices du Libro d’Antonio Labacco (fig.), de la Regola de Vignole et même des Quattro libri de Palladio que Le Muet connaissait bien et devait traduire quelques années plus tard. Entre les piédestaux, trois chérubins batifolent sur un second cartouche portant le nom de l’imprimeur. Outre deux rééditions françaises par Jean Du Puis (1663–1664) et François Jollain (1681) qui gardèrent les mêmes gravures et aussi le même frontispice, l’ouvrage trouvé un écho en Angleterre, où il fut publié à trois reprises par Robert Pricke, sous le titre The Art of Fair Building. Bibliographie: Claude Mignot, «Bâtir pour toutes sortes de personnes: Serlio, Du Cerceau, Le Muet et leurs successeurs en France. Fortune d’une idée éditoriale», dans Sebastiano Serlio à Lyon. Architecture et imprimerie, vol. 1: Le Traité de Sebastiano Serlio. Une grande entreprise éditoriale au XVIe siècle, Lyon 2004, pp. 440–447. Claude Mignot, «La Manière de Bâtir pour toutes sortes de personnes de Pierre Le Muet, 1623», dans Sebastiano Serlio à Lyon, vol. 1, Lyon 2004, pp. 474–475. Raphaël Tassin (Paris) 77 Cat. 38 Jean Lepautre (1618–1682) «Arc de Triomphe eslevé au bout du pont nostre dame» Eau-forte (?), 375 x 254 mm (planche) Jean Marot, Histoire de la triomphante entrée du Roy, Paris 1665, pl. 8 (VIII) Jean Martin, Arc de triomphe pour l’entrée solennelle dans la capitale d’Henri II en 1549, burin, dans C’est l’ordre qui a été tenu à la nouvelle et joyeuse entrée, que... Henri deuxième... a faite... en sa bonne ville... de Paris..., Paris, Jean Dallier, 1549 86 FB Gotha, Opp 2° 01113/07 (04) Après leur mariage célébré à Saint-Jeande-Luz, à la frontière franco-espagnole, le 9 juin 1660, Louis XIV et son épouse Marie-Thérèse d’Autriche firent leur entrée solennelle dans Paris le 26 août de la même année, suivant un parcours qui les mena depuis le faubourg SaintAntoine jusqu’à l’Hôtel de ville. Pour perpétuer le souvenir de cette manifestation, et «pour faire connoistre aux estrangers les magnificences que les Parisiens ont emploié pour la réception de leurs Majestez», Jean Tronçon, l’un des magistrats de la capitale, décida d’éditer en 1662 l’Entrée triomphante de Leurs Majestez Louis XIV [...] et Marie Thérèse d’Austriche. Dans cet ouvrage, publié par les libraires parisiens Pierre Le Petit, Thomas Joly et Louis Bilaine, on trouve notamment des estampes représentant les différents arcs triomphaux qui jalonnèrent le parcours royal, que ce soit à la porte Saint-Antoine, sur le Pont Notre-Dame ou bien au Marché neuf, ou bien encore les façades de l’Hôtel de ville ou de l’hôtel de Beauvais où eurent lieu une partie des festivités. Si le frontispice fut gravé par Nicolas Chauveau et les portraits des souverains par Nicolas Pitau et Nicolas de Poilly, respectivement d’après des peintures de Charles Beaubrun et Nicolas Mignard, le reste fut l’œuvre de Jean Marot, qui apposa sa signature sur la plus grande partie des illustrations, sans doute en collaboration avec Jean Lepautre dont on conserve des dessins préparatoires. Trois ans plus tard, en 1665, fut édité un ouvrage similaire par Van Merlen, intitulé Histoire de la triomphante entrée du roy et de la reyne dans Paris, le 26 d’Aoust, 1660, et reprenant les mêmes planches. Dans cette seconde édition, le nom de Lepautre est clairement indiqué à plusieurs endroits, notamment sur la planche avec l’«arc de triomphe eslevé au bout du pont nostre dame», qui est ici présenté. S’agissant plus précisément de ce dernier ouvrage, il était composé d’une arcade unique inscrite dans une travée ionique dont les colonnes adossées supportaient des ressauts dans l’entablement. L’intrados de l’arc était orné de caissons octogonaux à la mode antique tandis que deux anges placés dans les écoinçons portaient des guirlandes végétales, dont le fût des colonnes était aussi ornementé. Au second registre prenait place un tableau peint par les frères Beaubrun. On y voyait, sous le regard de Junon, Iris et Mercure apporter les portraits de Louis XIV et de son épouse, tandis que Mars, à terre, semblait vaincu par Hymen et deux angelots s’amusant de ses armes. La légende latine apposée sur l’entablement expliquait le sens de cette scène : ET MARS QVOQVE CESSIT AMORI («Et Mars aussi cède à l’amour»). On peut comparer la construction de cet arc avec celui qui fut dressé, pour la même occasion, à l’entrée du Marché neuf, et avec lequel il possède plusieurs points communs. Il s’agit d’une sorte de travée rythmique inscrite dans un plan concave, dont l’arcade centrale est flanquée de deux paires de colonnes – torses cette fois – et dont l’intrados est aussi orné de caissons, mais carrés. Au second registre, selon un principe similaire, on avait disposé une scène peinte. Grande est la tentation de faire un parallèle avec l’architecture éphémère mise au point pour une autre entrée solennelle dans la capitale, celle d’Henri II en 1549 (fig.). Force est de constater que le même accent est mis sur les symboles du pouvoir royal, notamment grâce à l’emploi d’une iconographie antiquisante, mythologique et impériale. On peut citer par exemple la présence des anges dans les écoinçons, que Jacques Androuet du Cerceau avait aussi abondamment utilisés dans ses propres exemples d'arcs de triomphe (1549). L’emploi de l’arc de triomphe comme celui construit à la porte Saint-Denis ou de la fontaine des Innocents pour le fils de François Ier en sont deux exemples parmi les plus célèbres. Bibliographie: [Jean Tronçon], Entrée triomphante de Leurs Majestez Louis XIV, roy de France et de Navarre, et Marie Thérèse d’Austriche son espouse, Paris [1662]. Kristina Deutsch, Jean Marot et l’estampe d’architecture au Grand Siècle, thèse de doctorat de l’EPHE, 2010, cat. OG n° 36 et cat. n° 2-2. Raphaël Tassin (Paris) 87 Cat. 78 Pierre-Nicolas Ransonnette (1745–1810) après Christian Ludwig Stieglitz (1756–1836) Pavillon d’ordonnance ionique Claude-Nicolas Ledoux, Pavillon de musique à Louveciennes, 1771, dans De ‘l’architecture considérée sous le rapport des arts, des mœurs et de la législation, Paris 1804 Eau-forte et aquatinte, 429 x 279 mm (planche) Christian Ludwig Stieglitz, Zeichnungen aus der schönen Baukunst, Leipzig, Voss & Comp., 1800, p. ?. 166 FB Gotha, K II gr2° 00015/04 Issu d’une famille de juristes de Leipzig, Christian Ludwig Stieglitz fut aussi un amateur éclairé qui publia un grand nombre d’ouvrages consacrés à l’architecture de toutes les époques, et notamment plusieurs Histoires de l’architecture, dont la dernière – Geschichte der Baukunst vom frühesten Allerthume bis in die neueren Zeiten – fut publiée l’année même de sa mort. Les deux volumes de ses Zeichnungen aus der schönen Baukunst, publiés à Leipzig chez Voss & Comp., sont des recueils de plans, élévations et coupes de bâtiments, construits ou restés à l’état de projets, reflétant ses goûts dans l’art de bâtir et les grands projets de son époque. Pour ce faire, il utilisa des gravures de différents artistes et représentant des bâtiments très divers, que ce soient des villas, des maisons urbaines ou des bâtiments à caractère public ou collectif. Parmi les artistes qui contribuèrent à ce projet éditorial, le dessinateur Johann Gottlieb Schwender et le graveur français Pierre-Nicolas Ransonnette (1745– 1810) jouèrent en rôle fondamental. Ransonnette est surtout connu pour avoir collaboré avec l’architecte allemand Johann Karl Krafft (1764-1833) aux Plans, coupes et élévations des plus belles maisons et hôtels construits à Paris et dans les environs. L’ouvrage put acquérir une certaine renommée, grâce à ses légendes en trois langues – française, allemande et anglaise – qui permirent sa diffusion à une échelle dépassant largement les frontières de la France. La gravure dont il est ici question est dédiée au prince Franz de Saxe-CobourgSaalfeld (1750-1806), grand amateur d’art, bibliophile et collectionneur d’estampes, avec une double dédicace en langues allemande et française encadrant les armoiries saxonnes. Elle repré- sente deux façades d’un édifice de taille relativement modeste. La façade postérieure, est marquée par un avant-corps central consistant en une ordonnance de quatre pilastres ioniques entre lesquels prennent place des fenêtres dotées d’un fronton et surmontées d’un oculus. Les ailes latérales en retrait, terminées par un pilastre cornier, sont percées d’ouvertures rectangulaires. Le tout est couronné par une balustrade. Sur la seconde façade en bas, l’avantcorps auquel on accède par un perron, est agrémenté d’un véritable portique tétrastyle jouant le rôle de vestibule. En arrière-plan, on distingue la porte d’entrée à linteau droit flanqué de deux petites niches. Cette gravure semble être la citation directe d’un bâtiment réellement existant. On remarque en effet de nombreux points communs avec le «pavillon de musique» à Louveciennes. L’édifice, construit par Claude-Nicolas Ledoux en 1771 pour la comtesse du Barry, est l’un des exemples de petits capricci architecturaux qui connaîtront un grand succès sous le règne de Louis XVI. La gravure publiée par Ledoux avait sans doute connu un certain retentissement du fait de cette prestigieuse commande, mais force est de constater que des petites variations ont été apportées par Schwender: la position du perron a été modifiée, les niches agrandies, deux reliefs placés sur les ailes latérales ont été transformés en baies, tandis que la balustre placée en couronnement de l’avantcorps, a été systématiquement apposée sur toute la largeur de la façade. Bibliographie: Klaus Jan Philipp, «Christian Ludwig Stieglitz (1756–1836). Der Beginn der Architekturgeschichtsschreibung in Deutschland zwischen Klassizismus und Romantik», dans Architektur im Spannungsfeld zwischen Klassizismus und Romantik, Weimar 1996, pp. 116–119. Katia Frey, «Le Recueil d’architecture civile (1812) de Jean-Charles Krafft: sources et ‘choix idéal’ de la maison aux champs», Bulletin monumental, 155 (1997), pp. 301–316. Daniel Rabreau, Claude-Nicolas Ledoux, Paris 2005. Raphaël Tassin (Paris) 167 Cat. 79 Pierre-Nicolas Ransonnette (1745–1810) après Jean-Charles Krafft (1764–1833) La Maison Montmorency de Claude-Nicolas Le Doux Lindsey House, burin, dans Colen Campbell, Vitruvius Britannicus, vol. 2, London 1717, UB Heidelberg Eau-forte, 386 x 247 mm (planche) Jean-Charles Krafft et Nicolas Ransonnette, Plans, coupes et élévations des plus belles maisons et hôtels construits à Paris et dans les environs, Paris 1801. 168 FB Gotha, Opp gr2° 00975/04 Architecte d’origine bavaroise, JohannKarl [dit Jean-Charles] Krafft est resté célèbre, non pas pour sa production effectivement construite, mais pour les nombreux ouvrages et recueils de gravures qu’il publia dans le premier tiers du XIXe siècle. Sa collaboration particulièrement fructueuse avec Pierre-Nicolas Ransonnette a laissé, notamment, un recueil des Plans, coupes et élévations des plus belles maisons et hôtels construits à Paris et dans les environs, publié à partir de 1801. Les ouvrages de Krafft et Ransonnette, de par leur accessibilité à un lectorat très élargi – les légendes et explications y étaient rédigées en trois langues: le français, l’anglais et l’allemand – «contribuèrent à répandre des formes d’édifices faciles à multiplier et dont les combinaisons obéissent aux lois géométriques». Ils participèrent notamment à la diffusion à l’échelle européenne des édifices des grands architectes français de la fin du XVIIIe siècle: Claude-Nicolas Ledoux, Étienne-Louis Boullée, Charles de Wailly ou encore Jean-Nicolas-Louis Durand. L’édifice ici présenté, la «Maison Montmorency, sur le boulevard, au coin de la Rue du Mont Blanc, bâtie par le Doux, architecte», est la planche numérotée 40 dans le recueil précédemment cité. On peut en voir une élévation, une coupe transversale ainsi que les plans du rezde-chaussée et du premier étage. Situé à l’angle du boulevard des Capucines et de la rue de la Chaussée d’Antin rebaptisée à la Révolution «rue du MontBlanc», l’immeuble fut édifié par Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806) pour le compte du prince de Montmorency-Logny aux alentours des années 1769-1771. Il fait partie des œuvres des débuts de la carrière de Ledoux, avant qu’il n’entre à l’Académie Royale d’Architecture (avec l’hôtel – aussi situé Chaussée d’Antin –, l’hôtel d’Hallwyl ou bien le pavillon de Louveciennes). Expression des ambitions d’un commanditaire en quête de légitimité – comme le montrent les huit statues de connétables décorant les balustrades –, il est caractérisé à l’extérieur par une entrée située dans un pan de mur disposé en biais et par ses deux avant-corps latéraux marqués par des colonnades tétrastyles de l’ordre ionique. Ces dernières ne sont pas uniques dans l’œuvre de Ledoux. Elles témoignent d’une part de l’héritage palladien assumé par le futur architecte d’Arc-et-Senans après un voyage effectué en Angleterre (fig.), et d’autre part d’une filiation avec des architectes français comme Le Vau – à l’hôtel Tambonneau par exemple – qui avaient déjà réinterprété les modèles des Quattro libri à partir du XVIIe siècle. L’édifice est aussi réputé parce qu’il fut construit selon une distribution étonnante, de part et d’autre d’un axe diago- nal dicté par la situation particulière de la demeure. L’angle du bâtiment, à proprement parler, est occupé par un vestibule circulaire, suivi par un salon central d’une forme ovale non moins étonnante embrassant toute la hauteur de l’élévation, d’où partaient deux rampes d’escaliers desservant les niveaux supérieurs. Certains éléments caractéristiques de cette distribution se retrouvent dans d’autres résidences privées de la même époque, comme l’hôtel de Mademoiselle Guimard, dans lequel une antichambre de forme ovale prend place dans l’un des angles de l’édifice, preuve que la formule avait su convaincre et satisfaire les clients de Ledoux. Bibliographie: Allan Braham, Architecture of the French Enlightenment, Berkeley 1989, pp. 159–172. Daniel Rabreau, Claude-Nicolas Ledoux, Paris 2005. Raphaël Tassin (Paris) 169