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    Géocarrefour   vol. 80/4 | 2005 La pénurie d'eau : donnée naturelle ou questionsociale ? Une pénurie d’eau gérée par l’inégalité : le cas dela ville de Djibouti  A water shortage managed by inequality: the case of the city of Djibouti Hassan-Omar Rayaleh Édition électronique URL : http://geocarrefour.revues.org/1288DOI : 10.4000/geocarrefour.1288ISSN : 1960-601X Éditeur Association des amis de la Revue degéographie de Lyon Édition imprimée Date de publication : 1 octobre 2005ISSN : 1627-4873  Référence électronique Hassan-Omar Rayaleh, « Une pénurie d’eau gérée par l’inégalité : le cas de la ville de Djibouti », Géocarrefour   [En ligne], vol. 80/4 | 2005, mis en ligne le 01 juin 2009, consulté le 30 septembre 2016.URL : http://geocarrefour.revues.org/1288 ; DOI : 10.4000/geocarrefour.1288 Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée.© Géocarrefour  Hassan-OmarRAYALEH Université de Djibouti Une pénurie d’eau gérée parl’inégalité le cas de la ville deD j i b o u t i plus dense, mieux entretenu et doté d’une plusgrande capacité de stockage dans sa partie nord(11 000 m 3 ) que dans sa partie sud (3 400 m 3 ). Cette pratique de gestion différenciée del’insuffisance entre le centre et la périphérie de laville se retrouve à l’intérieur des quartiers deDjibouti-ville. En effet, les secteurs résidentiels destanding qui regroupent le Plateau du Serpent, lePlateau du Marabout, le Héron, la zone autour del’aéroport, où résident les catégories les plusaisées de la population, bénéficient d’unealimentation quasi continue. A l’opposé, lesquartiers pauvres : quartiers 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 7 bis,Ambouli, Poudrière, Gachamaleh et Djebel sontsoumis à une alimentation discontinue avec deshoraires de distribution qui correspondent souventau soir (fig. 1). Entre ces deux situations extrêmes,se situe celle des quartiers modestes, souventlocalisés près des grands axes de circulationempruntés par les conduites principales du réseau.Leur approvisionnement, irrégulier, dépend deleur éloignement par rapport aux conduites. Par ailleurs, l’ONED utilise les coupures pour gérerle manque d’eau dans la ville. Généralisées en étéà tous les quartiers en raison de la hausse de lademande, elles passent inaperçues dans lesquartiers riches et aisés qui disposent de réser-voirs d’eau équipés de surpresseurs électriquespour réguler l’alimentation. Pour les quartiers po-pulaires et le secteur de Balbala en revanche, lescoupures d’eau quotidiennes durent entre 12 et 24heures selon les quartiers. Placées au cœur de lastratégie de l’Office, les coupures d’eau, dont lafréquence et la durée sont fonction du statut socio-économique des quartiers, sont révélatrices desinégalités spatiales devant la distribution d’eau. Àcôté de cette pratique, l’Office utilise des moyenséconomiques pour limiter l’accès à l’eau dur é s e a u . INÉGALITÉS SOCIO-ÉCONOMIQUES. A défaut de pouvoir augmenter l’offre d’eau dansla ville, l’ONED freine la consommation pourlimiter la hausse de la demande. Le coût duraccordement au réseau est l’une des mesuresutilisées. Calculé au coût réel 1 , ce dernier demeuretrès élevé dans l’ensemble de la ville (le prixmoyen d’un branchement standard de 50 mètreslinéaires dans les quartiers populaires est de1 0 0000 francs Djibouti, environ 500 euros. Dansles quartiers de Balbala, le prix peut atteindrejusqu’à 300 000 francs Djibouti (1 500 euros), caren raison de la nature basaltique du sous-sol, il estdifficile de creuser des tranchées. Un foisraccordés au réseau, les candidats au branche-ment individuel doivent s’acquitter d’une avancesur les consommations d’eau de 60 000 francsDjibouti (300 euros), destinée à couvrir les facturesimpayées. Située dans une région à climat semi-aride, la villede Djibouti est confrontée depuis sa création parl’Administration française en 1887, à un problèmed’alimentation en eau en raison de l’insuffisancedes ressources mobilisables. Depuis l’indépen-dance en 1977, le manque d’eau s’est aggravédans la ville sous les effets conjugués de l’exoderural, de la croissance démographique (3% par an)et d’un solde migratoire positif. Face à cettepénurie permanente, l’Office National des Eaux deDjibouti (ONED) a mis en place une stratégie degestion pour limiter l’accès des usagers à l’eau deréseau, tout en tolérant l’existence d’un importantsecteur informel de l’eau. Cette politique, quidonne pour l’instant les résultats escomptés, setraduit dans la ville par un certain nombred’inégalités géographiques, socio-politiques etsocio-ethniques devant l’alimentation en eau. INÉGALITÉS SPATIALES La ville de Djibouti est constituée par deuxensembles urbains séparés par un élémentn a t u r e l: l’oued Ambouli. Au nord, l’ancienne ville,appelée Djibouti-ville, regroupe le port, lesquartiers résidentiels de haut et de moyenstanding, le quartier administratif et commercial, etles quartiers populaires anciens. Au sud de l’oued,se situe la nouvelle ville de Balbala, constituéemajoritairement de quartiers d’habitat spontané,viabilisés par la suite et occupés par les couchesles plus défavorisées de la population. Cetteopposition géographique et sociale entre les deuxespaces urbains se retrouve également dansl’alimentation en eau de la ville. A partir de lastation de pompage existe une différenciationcomplète entre les infrastructures qui approvision-nent la ville ancienne et celles qui desserventBalbala. Les pompes qui alimentent le secteurnord de la ville sont au nombre de trois, d’unecapacité de 750 m 3 heure chacune. Alors que deuxpompes seulement de plus faible capacité (350 m 3 heure) approvisionnent Balbala. Mais bien plusque la puissance des pompes, c’est la durée defonctionnement qui crée l’inégalité la plusmarquée devant l’alimentation. Les pompesréservées à Djibouti-ville fonctionnent 24 heuressur 24 pour assurer une alimentation continue àcette partie de la ville où vit une populationestimée entre 250 000 et 300 000 personnes. PourBalbala, qui compte entre 100 000 et 150 000habitants selon les estimations, la durée defonctionnement des pompes est limitée à 8 heurespar jour. Ainsi, avec ce système d’alimentation,Balbala ne reçoit que 6 000 m 3 sur les 37 000 m 3 produits quotidiennement, soit une disponibilitémoyenne d’eau par habitant comprise entre 40 et50 litres par jour. Les 31 000 m 3 restants sontdestinés à Djibouti-ville où la disponibilitémoyenne par habitant se situe entre 110 et 124litres d’eau par jour. Cette inégalité de traitemententre les deux secteurs de la ville de Djibouti seprolonge ensuite dans le réseau de distribution, R É S U M ÉLa ville de Djibouti estconfrontée depuis sacréation à un déficitstructurel de productiond’eau par rapport auxbesoins de sa population.Face à cette situation,l’Office National des Eaux deDjibouti a mis en place unestratégie de gestion de lapénurie qui se traduit par uncertain nombre d’inégalités.Inégalité d’alimentationentre les espaces centrauxde la ville, considéréscomme prioritaires, et lespériphéries urbaines quireçoivent moins d’eau.Inégalité d’accès à l’eauentre les usagers solvablesqui peuvent se raccorder auréseau et ceux qui ontrecours au secteur informelpour leur alimentation.Inégalité enfin entre lesc o n s o m m a t e u r sa p p r o v i s i o n n é sgratuitement en raison deleur statut socio-politique ousocio-ethnique et les autresqui paient leurconsommation. MOTS CLÉSDjibouti, pénurie d’eau,alimentation en eau, villes,gestion de l’eauA B S T R A C TThe city of Djibouti has beenconfronted since its creationwith a structural deficit inthe production of watercompared with the needs ofits population. Faced withthis situation, the NationalOffice of Water of Djiboutihas set up a strategy tomanage the shortage. Thishas resulted in a certainnumber of inequalities.Inequality between the towncentre area, and the innercity which receives lesswater. Inequality of access towater between those whocan pay for it and who canbe connected to the networkand those who rely on theinformal sector for theirsupply. Finally, inequalitybetween the consumers 319 ÉOCARREFOURVOL 80 4/2005  de la facture d’eau du ménage. Par la suite, en1995 et 2001, d’autres modifications sont inter-venues dans la tarification avec la mise en placede tranches supplémentaires, plus chères, pourcontraindre les ménages aisés à réduire leurconsommation. La volonté de l’Office des eaux derestreindre le nombre d’abonnés se traduit parailleurs par l’absence de dispositions sociales pouraméliorer l’alimentation des populations les plusmodestes de la capitale. Les mesures économiques de gestion de la pénu-rie mises en place par l’ONED ont abouti à unesituation qui mérite d’être soulignée. En 2004, lenombre d’abonnés pour l’ensemble de la ville deDjibouti se situait autour de 23 000 pour unepopulation totale d’environ 400 000 habitants, soitun taux de branchement de 5,7%. Ce taux estextrêmement bas, comparé à ceux d’autres villesafricaines (Nouakchott, Niamey, Ouagadougou,Bamako…) qui se situent entre 35 et 55% (Jaglin,2001). Si l’Office des eaux réussit pour l’instant à ralentirla consommation d’eau dans la ville, ses pratiquesde gestion ne demeurent pas moins discrimi-natoires. La cherté des branchements individuels,la hausse de la tarification de l’eau et lesconditions du raccordement au réseau créent unecertaine ségrégation des usagers en fonction deleur statut socio-économique. Ainsi, à Djibouti,seuls les consommateurs solvables qui peuventpayer le coût exorbitant du raccordement,disposent de branchements à domicile. Les autres,exclus de l’eau du réseau, font appel au secteurinformel pour leur approvisionnement. Ces autresmodes d’accès à l’eau que sont la revente de l’eaupar les abonnés, l’alimentation aux fontaines et leravitaillement par les camions citernes ou par lesporteurs d’eau, bénéficient d’une certainereconnaissance de la part de l’ONED. Il faut direPar ailleurs, dans l’ensemble des quartierspopulaires de Djibouti-ville et de Balbala, seuls lespropriétaires des habitations peuvent demanderauprès de l’Office des eaux l’installation desbranchements d’eau. Or, ces maisons sont sou-vent mises en location par les propriétaires à larecherche de revenus, qui installent rarement desbranchements de peur d’avoir des impayés defactures d’eau après le départ des locataires. Ainsi,grâce à cette mesure instituée par l’ONED, lesménages des quartiers populaires, majoritaire-ment locataires, sont exclus du raccordement auréseau même s’ils ont les moyens de se l’offrir. Pour limiter davantage l’accès à l’eau du réseau,depuis le début des années 1990, la viabilisationde nouveaux terrains constructibles dans lesquartiers riches et aisés n’est plus prise en chargepar l’Office des eaux mais par les futursacquéreurs lors du raccordement au réseau. Aveccette nouvelle mesure, le prix d’un branchementindividuel atteint 600 000 francs Djibouti (3 000euros) dans certains quartiers comme à Gabode 5,voire 800 000 (4 000 euros) à 1 000 000 francsDjibouti (5 000 euros) à Haramous. En plus du coût de raccordement, la tarification del’eau est utilisée comme un outil de gestion de laconsommation. En 1991, l’ONED a effectué unerefonte totale de ses structures tarifaires dont lesprincipaux changements sont repris dans letableau 1 : la nouvelle grille se traduit par laréduction des tranches de consommation, lahausse du prix de vente de l’eau et des redevan-ces. Pour évaluer les impacts de la modificationtarifaire, nous avons représenté dans ce tableau lasituation, avant et après 1991, d’un ménage quiconsomme 30 m 3 d’eau tous les deux mois 2 .On constate que la mise en vigueur de la nouvelletarification a entraîné une augmentation de 132% 320 Une pénurie d’eau gérée par l’inégalité : le cas de la ville de Djibouti VOL 80 4/2005 supplied free because oftheir socio-political or socio-ethnic status and those whopay for their consumption.KEY WORDSDjibouti , water shortage,water supply, city, waterm a n a g e m e n t 1 - C’est-à-dire en fonction dela distance du domicile parrapport à la canalisationprincipale et du diamètre destuyaux et des accessoiresutilisés.2 - Consommation moyenned’un ménage type de 7personnes résidant dans lesquartiers pauvres. Tableau 2 : Comparaison des factures d’eau du ménage * facturation bimestrielle ; ** Fixées à 500 FD/mois auparavant, elles sont désormais calculées en fonction du diamètre ducompteur auquel est affecté un volume d’eau, facturé au tarif en vigueur. FD = franc Djibouti Ancienne tarificationNouvelle tarificationConsommations d’eau(15 m 3 x60 FD)x2* = 1 800 FD30 m 3 x62 FD = 1 860 FDRedevance compteur**500FDx2 = 1 000 FD50 m 3 x102 FD = 5 100 FDRedevance branchement500FDx2 = 1 000 FD30 m 3 x62 FD = 1 860 FDMontant total3 800 FD8 820 FD Tableau 1 : Ancienne et nouvelle tarification de l’eau (* 1 Franc Djibouti = 0,005 euros) Source : Arrêté Présidentiel du 7 juillet 1991 Tranches de consommationTranches de consommationet tarifs en vigueur jusqu’enet tarifs en vigueur à partir demai 1991mai 1991Consommation Prix de venteConsommation Prix de ventemensuelle (m 3 )( F D * / m 3 )bimestrielle (m 3 )( F D / m 3 )0 à 606 00 à 306 261 à 1208 531 à 801 0 2> à 1201 2 0> à 801 4 2Chantiers et port9 0Chantiers et port1 5 0  321 Une pénurie d’eau gérée par l’inégalité : le cas de la ville de Djibouti VOL 80 4/2005 Figure 1 : Typologie urbaine de la ville de Djibouti  3 - Décret N° 2003-0196/PR/ MEFPCP du 22 septembre20034 - La population de laRépublique de Djibouti estcomposée par deux commu-nautés ethniques : les Afar etles Somali. en eau et se sont opposées, parfois violemment,aux interventions de l’Office des eaux dans leurscités. Les soldats considèrent en effet que durantles quatre années qu’a duré le conflit armé, ils ontdéfendu le pays au prix de leur sang. En retour, ilsestiment légitime de disposer de certainsavantages comme la gratuité de l’eau mais ausside l’électricité. Face à ce sentiment, partagésemble-t-il par une partie de la hiérarchie del’armée, l’Office des eaux, évitant de mettre sur ledevant de la scène les conséquen-ces d’un conflitqui a mis à mal l’unité nationale, continued’approvisionner gratuitement les cités. A côté des militaires qui ont réussi à disposer d’unstatut envié par les autres usagers, il existe desquartiers dits “ethniques” qui ne payent pas leurconsommation. Il s’agit du quartier Arhiba, peupléen majorité par une population appartenant à lacommunauté Afar 4 . Construit en 1971, le quartierétait destiné spécialement aux dockers Afaremployés au port. Il avait un seul compteur d’eaucollectif et les consommations étaient prises encharge par les Services du port. En 1988,considérant que la population srcinelle ne résidaitplus dans le quartier, les responsables du portdécidèrent de ne plus payer les factures d’eau.Pour recouvrer les consommations qui représen-taient en 2004 3,5 % de la consommation totale,l’ONED devait installer des compteurs individuelsdans les 886 logements du quartier. Devant le coûtfinancier d’une telle opération (30 millions defrancs Djibouti, environ 176 000 euros), l’Offices’est résolu en 2000 à accepter une solution decompromis avec les populations du quartier : lepaiement mensuel d’une somme forfaitaire de3000 francs Djibouti (17 euros) par foyer pour saconsommation d’eau. Mais à ce jour, cet accordreste peu respecté par les ménages, qui sontseulement 23 à s’acquitter régulièrement de leurcontribution. Pourquoi l’ONED n’arrive-t-il pas àfaire payer les autres usagers ? La réponse à cettequestion renvoie à l’organisation socio-politiquede la République de Djibouti. Dans un soucid’équilibre politique entre les communautésethniques (Afar et Somali) du pays, l’administra-tion des institutions nationales (politiques,administratives et techniques) est confiée selon lesecteur à l’une ou à l’autre des communautés.Dans ce contexte, le secteur de l’eau estadministré par les Afar, ethnie qui peupleexclusivement le quartier Arhiba. Aujourd’hui,devant le refus des ménages de respecter leurengagement, les responsables de l’Office deseaux, qui appartiennent majoritairement à lamême ethnie, ne peuvent pas prendre la décisionde suspendre l’alimentation en eau du quartier enraison des risques sociaux mais aussi politiques,puisque certains députés Afar sont issus d’Arhiba.Mais Arhiba n’est pas le seul quartier qui bénéficiede la gratuité de l’approvisionnement. Lesménages des quartiers de Balbala, qui s’alimen-que ce dernier compte beaucoup sur le secteurinformel pour apporter des solutions alternatives àl’alimentation des populations non raccordées. Eneffet, un usager qui s’approvisionne dans cesecteur consomme moins d’eau qu’un usagerraccordé au réseau (Rayaleh, 2004). Cette discrimination économique face àl’alimentation en eau reproduit les autresinégalités socio-spatiales dans la ville. Lesconsommateurs raccordés au réseau résident leplus souvent dans les quartiers les plus aisés alorsque ceux qui s’alimentent grâce au secteurinformel se retrouvent dans les quartiers pauvresou périphériques. Mais à Djibouti, les critèressocio-économiques ne sont pas les seulsparamètres de ségrégation des consommateurs. INÉGALITÉS SOCIO-POLITIQUES ET SOCIO-E T H N I Q U E S Bien qu’on soit dans un contexte de rareté de laressource en eau, paradoxalement à Djibouti, uncertain nombre de consommateurs bénéficient del agratuité de l’alimentation. Il s’agit tout d’abord del’ensemble de l’Administration qui regroupe lesservices publics (ministères, écoles et dispen-saires), les structures militaires et policières, et lesédifices religieux. En 2004, les consommationsd’eau de l’État représentaient 45% de la consom-mation totale, soit 3 983 452 m 3 . Initialement prisesen charge sur le budget national et régularisées parle Ministère des finances, depuis 1991, date dudéclenchement d’un conflit armé, les factures d’eaune sont cependant plus réglées par l’État. Cemanque à gagner, estimé en décembre 2004 à2 , 8milliards de francs Djibouti (14 000 000 euros),constitue un important préjudice économique pourl’ONED dont l’État est de loin le principal client. Cedernier s’est engagé officiellement 3 en 2003 às’acquitter de ces arriérés de consommation d’eausur une période de dix ans. Mais, à ce jour, l’État nesemble pas respecter son engagement. À côté de l’Administration, les familles demilitaires résidant dans les casernes ne payent pasnon plus l’eau. Au nombre de 8, les cités militairesregroupent près de 500 abonnés dont lesconsommations d’eau étaient estimées en 2003par l’Office des eaux à 151 763 m 3 , soit près de 2%de la consommation totale de la ville. Ce statutprivilégié dont bénéficient aujourd’hui les mili-taires, est à mettre en relation avec le conflit arméqu’a connu la République de Djibouti entre 1991 et1994. Lorsque les soldats étaient envoyés au frontpour combattre, l’ONED ne pouvait pas prendre lerisque social de suspendre l’alimentation en eaudes familles des militaires qui ne réglaient pasleurs factures. Après la fin du conflit (en 1994) et leretour des soldats dans les casernes, les famillesde militaires ont refusé de régler leurs arriérés deconsommation d’eau. Elles ont exigé par ailleursde disposer dès lors de la gratuité de l’alimentation 322 Une pénurie d’eau gérée par l’inégalité : le cas de la ville de Djibouti VOL 80 4/2005