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  79  Le dolmen de Pierre-Rouille à Valeuil (Dordogne) Résumé : Le dolmen de Pierre-Rouille à Valeuil est l’un des seuls mégalithes de Dordogne à avoir fait l’objet d’une intervention archéologique récente. Cette note a pour but de présenter les maigres éléments collectés lors d’un diagnostic d’archéologie préventive réalisé en janvier 2011, ainsi que de présenter les relevés du monument effectués à cette occasion, sans doute les premiers publiés à ce jour. Abstract : The dolmen named ‘Pierre Rouille’ (Rusty Stone)  in Valeuil is one of the very few megaliths that have been the subject of a recent archaeological work in Dordogne. This note aims to present the few data gathered during a diagnosis of rescue archeology conducted in January 2011, and presents the surveys of the monument done for this occasion, certainly the first published. Le dolmen de Pierre-Rouille à Valeuil (Dordogne) Bertrand Poissonnier  Inrap GSO, TRACES UMR5608Université de Toulouse-le-Mirail [email protected]  󰁮   Bulletin Préhistoire du Sud-Ouest - n° 20/2012-1 80 « -  Dolmen de Bost, commune de Brantôme : dolmen simple, orienté est-ouest, la table a 4 m de long et 2,40 m d’épaisseur, repose sur deux supports au sud et est enfoncée dans le sol au nord.- Dolmen de Sencenac, commune de Sencenac-Puy-de-Fourches : dolmen à demi-renversé.- Dolmens de Rades et de Laprougès, commune de Valeuil. - Dolmen de Pierre-Rouille ou de Beauroulet, commune de Valeuil : situé à 45 m au sud du coude du GC 105 allant de Périgueux à Bourdeilles, au pied oriental des collines de Puy-de-Fourches. Une grande dalle trapézoïdale en grès ferrugineux repose sur deux supports calcaires et sur un renflement issu d’elle, qui  forme le troisième pilier. Dimensions de la dalle : 3,60 m de longueur maxima, environ 2 m de largeur, 0,45 m d’épaisseur, hauteur du dolmen 1,35 m. Pas de  fouilles ni de mobilier connu. » Pourtant, dès 1931, Jean-Jacques Pittard décrivait précisément, lors du XV e  Congrès international d’Anthropologie et d’Archéologie préhistoriques, cet unique dolmen comme « le dolmen de Pierre-Rouille, ou de Beauroulet, commune de Valeuil  » (Pittard 1933).Sa description détaillée est précieuse. Elle présente un monument observé en août 1931 dans un état guère différent de celui que nous avons pu trouver (Fig. 3 & 4). Reprenons-en les éléments principaux :«  Il est constitué par une grande dalle reposant, d’un côté, sur deux blocs rugueux de calcaire blanc, de faible volume, provenant de la région (crétacique).  De l’autre, elle repose sur elle-même, grâce à un fort renflement. La partie supérieure de la dalle, dont la  forme est grossièrement celle d’un trapèze, compte environ 11 m de tour. Ses dimensions prises rapidement sont : 3 m 60 x 1 m 60 et 2 m 30 x 2 m. Vu par devant, ce dolmen présente une légère inclinaison, la dalle s’abaissant du côté du renflement (...). La plus grande hauteur du dolmen est de 1 m 35 tandis que la plus  petite est de 0 m 80. Vu du côté opposé au renflement, le dolmen présente également une position inclinée due (...) au fait que l’un des blocs de soutènement est beaucoup plus petit que l’autre. D’ailleurs, il s’est  peut-être enfoncé dans la terre (...).  »Enfin il me faut signaler que lors d’une discussion sur place avec le propriétaire de la partie ouest du dolmen, ce dernier m’a signalé que le monument avait été fouillé vers 1950 par un dénommé  Lombraud  , de Brantôme, sans que l’on en connaisse les résultats. Il s’agit peut-être simplement du propriétaire d’alors, puisque J.-J. Pittard signale qu’il a obtenu l’autorisation d’étudier le dolmen de la part de M.  Lombreau, propriétaire du terrain .Je conserve l’appellation de Pierre-Rouille pour désigner ce monument, dans la mesure où ce toponyme est le seul qui se réfère directement au mégalithe, en reflétant bien la couleur de la dalle de couverture en grès ferrugineux. Cette appellation d’srcine non Le dolmen de Pierre-Rouille se situe à environ 2,5 km au sud-est du bourg de Valeuil, un peu à l’écart à l’ouest de la route départementale D939 qui relie Périgueux à Brantôme, et en vue de cette dernière (fig. 1 & 2). Le site correspond à des terrains faiblement pentus, proches de l’ouverture d’un talweg qui se dirige vers le nord-ouest en direction de la rivière La Dronne, à une altitude comprise entre 172 et 177 m NGF. Nous sommes intervenus les 4 et 5 janvier 2011 dans le cadre d’un diagnostic d’archéologie préventive mené par l’Inrap sur les parcelles 651 et 652 de la section D4, qui correspondaient à l’emprise des terrains où la Communauté de communes du Brantômois envisageait de créer une zone d’activités économiques (ZAE). Cette zone inclut la moitié apparente du mégalithe, côté oriental (Poissonnier 2011). Un dolmen mal localisé et mal nommé… D’un point de vue géologique, les terrains concernés sont situés sur des calcaires gris crayeux datant du Santonien inférieur (C5a) (Platel et al. 1989 : 27-29). Ces dépôts massifs, assez tendres, se délitent le plus souvent en petites plaquettes. La présence de silex grisâtres à noirs, sous forme de gros nodules décimétriques à cortex blanc, parallèles à la stratification, est une des caractéristiques de cette formation. Selon la carte géologique au 1/50 000, l’emprise des terrains à diagnostiquer est bordée immédiatement au sud par des terrains du Santonien moyen et supérieur (C5b-c) caractérisés par des calcaires argileux à huîtres, des calcaires crayeux gris glauconieux à silex noirs et des marnes silteuses.Le dolmen a été classé au titre des Monuments Historiques le 24 novembre 1960, sous le nom de « dolmen de Laprougès », ce terme étant vraisemblablement une corruption du lieudit « Lapiouges », peu éloigné. Il est inventorié à la Carte archéologique nationale sous le numéro 24 561 12 AP.Ce dolmen est connu sous de nombreux noms. Dans la bibliographie, il est le plus souvent attribué à la commune voisine de Brantôme, voire à celle de Sencenac-Puy-de-Fourches.Dès 1858, L. Drouyn évoque ainsi un « dolmen à demi renversé près de Puy-de-Fourche  » (Drouyn 1858). Pour P. de Bosredon (1877 : 52), E. Carthailhac (1880) et A. de Gourgues (de Gourgues, inédit, cité par Pauvert 1995, p. 113), il s’agit du « dolmen du  Bost   ». F. Benalloul (1986 : 49), dans son inventaire des mégalithes de Dordogne, l’attribue correctement à la commune de Valeuil. D. Pauvert souligne ensuite que ce monument diversement situé et nommé avait donné lieu à une inflation artificielle de dolmens dans ce secteur (Pauvert 1995 : 105 & 113). Ainsi M.-C. Cauvin (1971 : 412-413) a-t-elle donné la liste suivante, concernant manifestement seulement notre monument :  81  Le dolmen de Pierre-Rouille à Valeuil (Dordogne) Fig. 1 : Localisation de l’opération (éch. 1/250 000) (F. Prodéo, Inrap).   Bulletin Préhistoire du Sud-Ouest - n° 20/2012-1 82 Fig. 2 : Localisation de l’opération sur le fond IGN (éch. 1/25 000) (F. Prodéo, Inrap).  83 occitane est sans doute assez récente, et du reste A. de Gourgues ne la cite pas dans son dictionnaire topographique de la Dordogne (en 1873), alors que cet auteur avait collaboré de près avec L. Drouyn. Ce dernier, ayant visité le mégalithe en 1850 (Drouyn 1859), n’aurait vraisemblablement pas manqué de la lui communiquer s’il l’avait connue, et considérée comme ancienne.Dans la commune de Valeuil, un autre mégalithe a été cité. Il s’agit d’une pierre dressée, considérée par certains comme un menhir : le menhir de Jambe-Grosse, encore appelé « des Coutoux » (Benalloul 1986 : 51). Nous avons pu le visiter à la nuit tombée, le soir du 3 janvier, grâce à l’amabilité de M. Mazouaud, maire de Valeuil. Il s’agit d’une dalle de grès ferrugineux semblable à celui de la couverture du dolmen, redressée selon un axe sensiblement est-ouest, avec le « lit de carrière 1  » de la pierre en direction du nord (Fig 5). Elle est située dans un vallon boisé où se rencontrent alentour plusieurs autres dalles du même matériau, manifestement bougées de façon plus ou moins importante, à une époque et dans un but inconnu (Fig. 6).Dans l’état des connaissances, il est bien difficile d’en dire plus, et ce contexte incertain laisse planer un doute sur l’âge et la véritable nature de cette pierre dressée, et plus généralement du site en question : vestiges d’un ensemble mégalithique du Néolithique, véritable(s) menhir(s) proche(s) de blocs affleurant déplacés plus récemment, ou encore ensemble entièrement historique, et lié à des activités plus « utilitaires » ? Des sondages à la pelle mécanique Nous avons pratiqué 22 sondages (numérotés de S1 à S22) à l’aide d’une pelle mécanique à godet lisse, larges de 2 m, disposés sensiblement en quinconce, de façon à 1  L’expression, empruntée au vocabulaire des carriers, désigne la face inférieure d’un bloc de pierre naturellement afeurant. Fig. 3 : Vue du dolmen de Pierre-Rouille en août 1931 (Pittard 1933, fg. 2). Fig. 4 : Dalle de recouvrement du dolmen de Pierre-Rouille en août 1931 (Pittard 1933, fg. 3). Fig. 5 : Menhir des Coutoux, vu vers le sud (cl. B. Poissonnier, Inrap).  Le dolmen de Pierre-Rouille à Valeuil (Dordogne) Fig. 6 : Bloc soulevé des Coutoux, en compagnie de M. Mazouaud, maire de la commune (cl. B. Poissonnier, Inrap).