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Eyssartier, C., Joule, R.v. & Guimelli, C. (2007). Effets Comportementaux Et Cognitifs De L’engagement Dans Un Acte Préparatoire Activant Un élément Central Versus Périphérique De La Représentation Du Don D’organes. Psychologie

Eyssartier, C., Joule, R.V. & Guimelli, C. (2007). Effets comportementaux et cognitifs de l’engagement dans un acte préparatoire activant un élément central versus périphérique de la représentation du don d’organes. Psychologie Française, 52,

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  Article srcinal Effets comportementaux et cognitifs de l ’ engagement dans un acte préparatoire activant un élément centralversus périphérique de la représentationdu don d ’ organesBehavioral and cognitive effects of compliancein an initial request that selects a core element versusa peripheral element of the representationof organ donation C. Eyssartier, R.-V. Joule * , C. Guimelli  Laboratoire de psychologie sociale, université Aix  –   Marseille-I, 29, avenue Robert-Schuman,13090 Aix-en-Provence, France Reçu le 22 mai 2006 ; accepté le 23 janvier 2007 Résumé On rend compte d ’ un programme de recherches se situant à l ’ articulation de deux champs d ’ étude tra-ditionnellement disjoints : le champ de la soumission librement consentie et le champ des représentationssociales. Deux hypothèses sont mises à l ’ épreuve dans le paradigme du pied-dans-la porte : des sujetsayant réalisé un acte préparatoire (signer une pétition) ayant trait à un élément central de la représenta-tion du don d ’ organes : a) seront plus enclins à accepter la requête finale (signer une carte de donneur) ;et b) auront une attitude plus favorable envers le don d ’ organe que des sujets ayant réalisé un acte préparatoire ayant trait à un élément périphérique. Les deux expérimentations rapportées corroborent ceshypothèses.© 2007 Société française de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://france.elsevier.com/direct/PSFR/  Psychologie française 52 (2007) 499  –  517 * Auteur correspondant.  Adresse e-mail : [email protected] (R.-V. Joule). 0033-2984/$ - see front matter © 2007 Société française de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.psfr.2007.01.004  Abstract We render an account of a research programme that links two fields of study usually unconnected:the field of the freely agreed submission and the field of social representations. Two hypothesis aretested in the foot-in-the door paradigm: participants that agree to perform an initial request (to sign a pe-tition) that selects a core element of the representation of organ donation: a) will be more inclined toagree to perform the target request (to sign a donor card); and b) will have an attitude more favourableabout organ donation than participants that agree to perform an initial request that selects a peripheralelement. The two experiments presented confirm these hypotheses.© 2007 Société française de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.  Mots clés : Acte préparatoire ; Élément central ; Élément périphérique, Pied-dans-la-porte ; Représentation sociale ;Soumission librement consentie  Keywords: Preparatory act; Foot-in-the door; Core element; Peripheral element; Social representation; Freecompliance 1. Introduction Le programme de recherches dont nous allons rendre compte se situe à l ’ articulation dedeux champs d ’ étude traditionnellement disjoint s : le champ de la soumission librement consentie et le champ des représentations sociales 1 .Le paradigme de la soumission librement consentie (Joule, 1999;Joule et Beauvois, 1998)  peut être défini, sur le plan pratique, comme l ’ étude des procédures d ’ influence permettant d ’ amener autrui à faire librement ce qu ’ on souhaite qu ’ il fasse. Il peut être défini sur le planthéorique comme l ’ étude des effets cognitifs et comportementaux engendrés par les actes libre-ment décidés. Dans le domaine cognitif, s ’ il s ’ agit d ’ actes non problématiques (c ’ est-à-dired ’ actes conformes aux attitudes des individus), on s ’ attendra à une consolidation des attitudes,à une plus grande résistance aux agressions idéologiques, voire à une extrêmisation de l ’ atti-tude initiale et, s ’ il s ’ agit d ’ actes problématiques (c ’ est-à-dire d ’ actes qui, à l ’ inverse, sont inconsistants avec les attitudes des individus), à un ajustement de l ’ attitude à cet acte (rationa-lisation). Enfin, concernant les aspects comportementaux, qu ’ il s ’ agisse d ’ actes non probléma-tiques ou qu ’ il s ’ agisse d ’ actes problématiques, on s ’ attendra à une stabilisation du comporte-ment et à la réalisation de nouveaux comportements allant dans le même sens (Joule et Beauvois, 1998, 2002). Le paradigme de la soumission librement consentie emprunte soncadre théorique à la théorie de l ’ engagement (Kiesler, 1971;Joule, 2001) et à la théorie de la dissonance (Beauvois et Joule, 1996;Festinger, 1957). Les chercheurs travaillant dans le champ des représentations sociales étudient, pour leur  part, la structure et la dynamique des représentations sociales. La théorie du noyau centraldes représentations sociales (Abric, 1976 ; 1994a ; 1994b) pose que l ’ organisation d ’ une repré-sentation sociale est fondée sur une opposition structurale, d ’ ordre qualitatif, entre d ’ une part,un système central et, d ’ autre part, un système périphérique. Le système central est constituéd ’ un petit nombre d ’ éléments qui ont pour caractéristiques essentielles d ’ être consensuels, sta- bles dans le temps, mais aussi en fonction du contexte, et liés à l ’ objet de façon incondition- 1  Nous tenons à remercier les experts. Leurs remarques, suggestions et critiques nous ont été très précieuses. C. Eyssartier et al. / Psychologie française 52 (2007) 499  –  517  500  nelle. En revanche, les éléments qui constituent le système périphérique résultent, dans unelarge mesure, d ’ une appropriation individuelle de la représentation. Ils autorisent ainsi l ’ inté-gration dans la représentation de variations interindividuelles, parfois sensibles, liées aux expé-riences personnelles des individus ou aux pratiques spécifiques qu ’ ils développent à l ’ égard del ’ objet.Peu de chercheurs ont situé leurs travaux à l ’ articulation de ces deux champs théoriques(Moliner et al., 1995;Roussiau et Bonardi, 2001expérience 2 ;Tafani et Souchet, 2001, expérience 3). En fait, ces chercheurs se sont surtout intéressés à la modification de la structurede la représentation sociale faisant suite à l ’ émission d ’ un comportement de soumission libre-ment consentie.Dans ce travail, nous nous situerons également à l ’ articulation de ces deux champs derecherche, mais notre option sera différente. On peut penser, en effet, que le recours à la théo-rie du noyau central des représentations sociales pourra permettre d ’ affiner les hypothèses tra-ditionnellement mises à l ’ épreuve dans le paradigme de la soumission librement consentie. Leschercheurs travaillant dans le cadre de ce paradigme se sont peu préoccupés de savoir si cer-taines situations expérimentales activaient plutôt des éléments représentationnels centraux ouactivaient plutôt des éléments représentationnels périphériques. Or, il n ’ est pas exclu que la prise en compte de la structure de la représentation puisse permettre une meilleure compréhen-sion des conditions affectant les effets comportementaux et cognitifs observés dans le para-digme de la soumission librement consentie.Dans le cadre de cet article notre choix s ’ est porté sur la procédure de soumission librement consentie ayant donné lieu au plus grand nombre de publications. Il s ’ agit de la procédure du« le pied-dans-la-porte » (Freedman et Fraser, 1966; pour synthèse :Beaman, et al., 1983; Burger, 1999;Dillard et al., 1984;Fern et al., 1986). Son principe est simple : obtenir peu (acte préparatoire) avant de demander davantage (requête finale). Ainsi, est-il maintenant bienétabli (effet de pied-dans-la-porte ) qu ’ un individu a plus de chances de satisfaire à une requêtedonnée, par exemple : mettre un panneau dans son jardin, s ’ il a préalablement réalisé un actemoins coûteux allant dans le même sens, par exemple : mettre un autocollant sur sa fenêtre(Freedman et Fraser, 1966).Sur la base des méta-analyses disponibles (cf. en particulier :Burger, 1999), plusieursconclusions peuvent être tirées quant aux principaux facteurs susceptibles d ’ affecter l ’ effet de  pied-dans-la-porte. Il importe, notamment, que : ● l ’ acte préparatoire soit effectivement réalisé (il ne faut donc pas se contenter d ’ intentionscomportementales) ; ● l ’ acte préparatoire ait un certain coût ; ● l ’ acte préparatoire et l ’ acte attendu renvoient à un même objet ; ● l ’ acte préparatoire ne soit pas lié à une compensation financière, et de façon plus générale, àquelque promesse de récompense.On peut s ’ étonner que les chercheurs travaillant sur la procédure du pied-dans-la-porte , nese soient jamais intéressés à la représentation que la personne cible pouvait avoir de l ’ objet sur lequel portent l ’ acte préparatoire et l ’ acte attendu. On peut penser que les représentationssociales, compte tenu de leurs propriétés, pourraient constituer un cadre de référence général permettant de mieux comprendre les processus sociocognitifs et les comportements mis en œ uvre par les individus. Dans cette perspective, une des caractéristiques essentielles des repré-sentations sociales consiste dans le fait qu ’ elles constituent, selonMoscovici, (1976), « un C. Eyssartier et al. / Psychologie française 52 (2007) 499  –  517  501  guide pour l ’ action ». Autrement dit, elles sont susceptibles d ’ orienter les comportements dansun sens plutôt que dans un autre. Des observations de terrain (Jodelet, 1989) ou expérimenta-les (Guimelli, 2001) vont dans ce sens.Il nous semble donc raisonnable de penser que la probabilité d ’ occurrence d ’ un comporte-ment prédit par la théorie de l ’ engagement puisse être affectée par les représentations sociales.Il est peu probable, en effet, qu ’ un comportement donné puisse prendre sens en dehors de tout contexte sociocognitif. Sans doute prend-il sens, pour les individus, par référence à unensemble organisé de cognitions et de croyances relatives à un objet de représentation donné.Dans cette perspective, en constituant un cadre de référence, la théorie des représentationssociales nous semble susceptible d ’ apporter un éclairage complémentaire à la théorie del ’ engagement.La théorie du noyau central des représentations sociales, plus précisément, devrait nous per-mettre de mieux comprendre les mécanismes sociocognitifs qui interviennent dans les modesde fonctionnement particuliers de l ’ engagement. Rappelons, en effet, que selon (Abric,1994a), les représentations sociales fonctionnent comme une entité, mais avec deux composan-tes dont le statut est différent : le système central et les éléments périphériques. Le premier est le fondement même de la structure de la représentation. Par conséquent, il joue un rôle spéci-fique dans l ’ économie de la représentation. Les éléments périphériques sont sous la dépen-dance du premier : leur portée dans le champ de représentation est déterminée dans une largemesure par le système central. Dès lors, on peut s ’ attendre à ce que les comportements atten-dus dans le cadre du processus d ’ engagement apparaissent plus probablement lorsque ce pro-cessus se réfère au système central de la représentation sociale de l ’ objet étudié, et non auxéléments périphériques. Constitué d ’ un petit nombre d ’ éléments (Abric, 1994a), le systèmecentral de la représentation est stable, très résistant aux changements et surtout, il constitue la base commune, collectivement partagée, des représentations sociales. Il est, comme le dit Mos-covici, « non négociable », il ne se discute pas à l ’ intérieur du groupe. Ainsi, chaque membredu groupe « voit les choses » à peu près de la même façon pour un même objet de représenta-tion, et cela dans la durée.Les éléments périphériques, en revanche, se caractérisent par une grande souplesse. En rai-son de celle-ci, ils permettent l ’ appropriation individuelle de la représentation en intégrant dansla représentation de l ’ individu des variations individuelles directement liées à ses expériences personnelles. Le système périphérique autorise ainsi la construction de représentations socialesindividualisées (Abric, 1994b), organisées néanmoins autour d ’ un noyau central commun.C ’ est ce qui explique que l ’ on puisse observer, à l ’ intérieur du même groupe et à propos dumême objet, de fortes variations discursives qui disparaissent dès lors que l ’ on touche àl ’ essentiel.Ainsi, alors que le système central est consensuel dans le groupe, les éléments périphériquessont source de variations interindividuelles. Par conséquent, dans le cadre du processusd ’ engagement, la référence au système central de la représentation (et son activation dans lechamp représentationnel), essentiel pour l ’ ensemble du groupe, devrait induire chez les sujetsdes stratégies comportementales plus uniformes et plus homogènes, notamment en ce quiconcerne les comportements attendus, contrairement à la référence au système périphériquequi devrait affaiblir cet effet en conduisant les sujets à une plus grande dispersion.Par ailleurs, dans la mesure où, comme nous l ’ avons indiqué précédemment, les représenta-tions sociales jouent un rôle fondamental de prescription des pratiques, on peut considérer queréaliser un acte ayant trait à un élément central consiste à réaliser un acte plus essentiel et plus« important » que de réaliser un acte qui porte sur un élément périphérique. Or, l ’ importance C. Eyssartier et al. / Psychologie française 52 (2007) 499  –  517  502  de l ’ acte est un des facteurs favorisant l ’ engagement (Kiesler, 1971). Aussi, peut-on considé-rer, toute chose étant égale par ailleurs, qu ’ un acte ayant trait à un élément central aura deseffets d ’ engagement (comportementaux mais aussi cognitifs) plus marqué qu ’ un acte ayant trait à un élément périphérique.Que le processus d ’ influence soit affecté différemment selon l ’ activation d ’ éléments cen-traux ou périphériques a d ’ ailleurs déjà était montré :Mugny et al., (1997);Tafani et al., (1999);Tafani et al., (2000);Tafani et Souchet, (2001);Mugny et al., (2001). Prises globa- lement ses recherches montrent que les rapports d ’ influence, sont significativement plus accen-tués et plus prononcés lorsqu ’ ils sont fondés sur les éléments centraux de la représentation.En somme, si, conformément à la théorie du noyau central, les éléments centraux de lareprésentation ont un poids plus important que les éléments périphériques, et si, de surcroît,ils sont à l ’ srcine de la signification globale attribuée au champ représentationnel, on devrait s ’ attendre à ce qu ’ un acte préparatoire activant des éléments centraux débouche sur des effets plus marqués sur le plan comportemental (émission de comportements plus coûteux allant dansle même sens) et/ou cognitif (changement d ’ attitude dans le sens d ’ une rationalisation) qu ’ unacte préparatoire activant des éléments périphériques.Sur la base de ces considérations théoriques, nous formulerons les deux hypothèses généra-les suivantes : ● sur le plan comportemental, des individus ayant réalisé un acte préparatoire ayant trait à unélément central seront plus enclins à accepter la requête finale que des individus ayant réa-lisé un acte préparatoire ayant trait à un élément périphérique ; ● sur le plan cognitif des individus ayant réalisé un acte préparatoire ayant trait à un élément central modifieront davantage leur attitude dans le sens d ’ une rationalisation que des indivi-dus ayant réalisé un acte préparatoire ayant trait à un élément périphérique.L ’ objet de représentation choisi pour mettre à l ’ épreuve ces hypothèses est celui du dond ’ organes. Plusieurs recherches, en effet, ont montré l ’ efficacité de la procédure du pied-dans-la-porte pour inciter des individus à accepter qu ’ un prélèvement d ’ organes soit effectuésur eux après leur mort (Carducci et Deuser, 1984;Carducci et al., 1989;Girandola, 2002). À notre connaissance, les seules études réalisées sur la représentation du don d ’ organes sont celles deMoloney et Walker, (2000, 2002). Mais ces études ne nous éclairent pas sur le carac-tère central ou périphérique des éléments représentationnels mis en évidence. Le test de noshypothèses, auprès d ’ une population d ’ étudiants, nécessite deux études préliminaires. La pre-mière étude a pour but de connaître la structure de la représentation sociale du don d ’ organeschez les étudiants. La seconde étude a pour but d ’ identifier les actes préparatoires susceptiblesde déboucher sur un effet de pied-dans-la-porte , en l ’ occurrence : augmenter la probabilité quedes étudiants acceptent de signer une carte de donneur. 2. Études préliminaires 2.1. Étude préliminaire 1 : analyse structurale de la représentation sociale du don d  ’  organeschez les étudiants2.1.1. Entretiens préalables Au cours d ’ une étape préalable, une série d ’ entretiens exploratoires de type semi-directif ont été réalisés en réponse à la question : « Qu ’  est-ce que le don d  ’  organes selon vous ? ». C. Eyssartier et al. / Psychologie française 52 (2007) 499  –  517  503