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   1 ANNÉE ACADÉMIQUE 2009-2010 LA LISTE E N  DES TOPONYMES CRÉTO-MYCÉNIENS D’AMÉNOPHIS III TRAVAIL DE RECHERCHE  présenté par Oksana Lewyckyj HORI 11 BA pour le cours : INTRODUCTION AUX LANGUES ET LITTÉRATURES ORIENTALES Professeur : C. Obsomer   2    3  Tous mes remerciements vont aux professeurs suivants : Claude Obsomer et Jan Driessen pour leur disponibilité et leur gentillesse, Malcom Hewitt Wiener pour ses explications, par mail, sur la datation de l’éruption Santorin. Je n’ai pas eu le temps de le remercier au moment de la remise de la synthèse. Je le fais ici. Thank you, Sir. Claude Vandersleyen pour ses conseils, Yves Duhoux qui m’a donné le goût de ces belles choses. Merci à Michel Fournier pour les lettres de Paul Faure qu’il a bien voulu m’envoyer ainsi qu’à Claude Bernard qui a beaucoup débattu avec moi de datation également.   4 Introduction : les faits Au printemps 1964, les fouilleurs de l’Institut suisse de recherches architecturales et d’études de l’antiquité, dirigés par le professeur Ricke, dégageaient la grande cour du temple funéraire d’Aménophis III à Kom el-Heitan, dans l’ancienne Thèbes d’Égypte. Sur les socles de 5 statues colossales du pharaon, situées entre les colonnes, dans la partie Nord-Ouest de la cour, se lisaient srcinairement environ 130 noms de pays ou de peuples connus des Égyptiens. Parmi les 76 noms en tout ou en partie conservés, les plus remarquables étaient ceux du socle le plus septentrional 1 , conventionnellement appelé E N  : ils étaient censés représenter, comme le disait l’inscription qui courait au-dessus de leurs cartouches , tous les pays plats difficilement accessibles de l’extrémité Nord de l’Asie, tous les peuples des  Fnxw (Liban ou Syrie d’après les auteurs) et du  cnt-Hn-nfr  (Nubie), et pour que l’on n’ignore pas les prétentions du pharaon à la domination universelle, les princes de tous les pays étrangers du Sud et du Nord qui dans l’Antiquité n’avaient pas l’habitude de venir en Égypte y payer un tribut et qui, sous Aménophis III, y avaient été astreints. Chacun des cinq socles était décoré de deux frises antithétiques de prisonniers liés représentant des peuples soumis 2 , tous représentés comme des Syriens, d’après leurs coiffures, leurs barbes, et leurs profils. Sur le cinquième socle, la symétrie des frises est interrompue : pendant l’hiver 1982/83 un acte brutal de vandalisme fit éclater ce bloc en nombreux fragments dont l’inspectorat local n’a pu rassembler et restituer qu’un nombre restreint. Restauré en   ciment , le monument se présente sous une forme assez triste 3 . Dans la moitié droite, on ne trouve plus que deux noms : kft¡w (Keftiou) et t¡-nÆ-¡¡-w  (Tinayou). Selon Jürgen Osing, l’analyse d’Edel 4  a montré que tous ces toponymes se rapportent au monde égéen, surtout, sinon exclusivement, à la Crète et au Péloponnèse. C’est en fait la liste la plus ancienne de toponymes européens, plus ancienne encore que les textes du linéaire B 5 . Aménophis III 6   Fils de Thoutmès IV, il est le premier pharaon issu d’un sang étranger par sa mère Moutemouïa. Son règne bénéficiant de la politique de conquête de ses prédécesseurs, l’Égypte vit affluer toutes les richesses de l’Afrique et de l’Orient, portant sa civilisation à un parfait achèvement. Ce prince magnifique, grand constructeur, ne fut pas un guerrier, et la splendeur de son règne, passé dans la mollesse, ne put dissimuler les ferments de décadence. Il conduisit une campagne insignifiante 7  contre les Nubiens et cette gloire militaire lui suffit. Remplaçant les campagnes militaires par des rapports diplomatiques, il lia des alliances avec les Mitanniens et les Babyloniens, et sut se faire payer tribut par le roi d’Assyrie. Son temple funéraire est connu sous le nom de Μεμνόνιον  par les Grecs. Il épousa la reine Tiyi, trois de ses propres filles, une princesse d’Arzawa, une de Syrie, et une du Mitanni 8 . D’autres sources parlent également d’une princesse babylonienne 9 . Quant aux dates de son règne, elles varient suivant les chronologies : 1410-1372 avant notre ère 10 , 1405-1380 11 , ou encore  juin 1388-1351/50 12 . En ce qui concerne sa titulature 13 , comme nom des Deux Maîtresses, il est Celui dont l’effroi (qu’il inspire) est grand dans chaque contrée étrangère, Celui dont les monuments sont 1  Tout ce qui précède provient de FAURE, P., Toponymes créto-mycéniens dans une liste d’Aménophis III  , dans Kadmos 7, band II, Walter de Gruyter, 1968, p. 138. 2  OSING, J.,  La liste des toponymes égéens au temple funéraire d’Aménophis III  , dans OSING, J.,  Aspects de la   culture pharaonique. Quatre leçons au Collège de France (Février-mars 1989) , dans  Mémoires de l’Académie   des inscriptions et belles-lettres , nouvelle série, tome XII, Paris, MCMXCII, p. 30. 3  OSING, J., op. cit  ., p. 31 + voir petite note de bas de page n°27. 4  EDEL, E.,  Die orstnamenlisten aus dem totentempel Amenophis III  , in  Bonner Biblische Beiträge , 25, Bonn 1966.   5  OSING, J., op. cit  ., p. 31-32. 6  Aménophis III  , dans RACHET, G. et M.F.,  Dictionnaire de la civilisation égyptienne , Paris, Larousse, 1968, p. 27-28 7  Une expédition punitive en Nubie, en l’an 5 de son règne (3 stèles), et une autre en Basse Nubie (stèle de Semna ?), BRIAN, B. M.,  Amenhotep III  , in REDFORDT, D. (ed. in chief), The Oxford Encycopedia of     Ancient Egypt  , vol. I, Oxford University Press, 2001, p. 72. 8  BRIAN, B.M., op.cit  ., p. 72-73. 9  RACHET, G., et M.F., op. cit  ., p. 28, ou encore CABROL, A.,  Aménophis III, ? - ~1348 av. J.-C. , dans  Dictionnaire de l’Antiquité  , publié sous la direction de Jean Leclant, Paris, Quadrige/PUF, 2005, p. 90. 10  BRIAN, B. M., op. cit  ., p. 72. 11  RACHET, G., et M.F., op. cit  ., p. 27. 12  VON BECKERATH, J., Chronologie des pharaonische Ägypten. Die Zeitbestimmung der ägyptischen   Geschichte von der Vorzeit bis 332 v. Chr.,   in Münchner Ägyptologische Studien , band 46, Philipp von Zabern, Gegründet 1785, Mainz am Rhein, 1997, p. 190. 13  DESSOUDEIX, M., Chronique de l’Égypte ancienne. Les pharaons, leur règne, leurs contemporains , Actes Sud, 2008, p. 296-297.   5 importants à la mesure de sa puissance, Celui dont la renommée est importante. Son nom d’Horus d’or est : Celui dont la force est grande-Celui qui a frappé les Asiatiques, Celui qui a frappé les Libyens- Celui qui a repoussé les rebelles, Taureau des rois-Celui qui repousse les 9 arcs, Celui qui piétine les Asiatiques-Celui qui a saisi leur pays. Le sémataouy de la liste E N porte dans ses deux cartouches royaux, à gauche son nom de Roi de Haute et de Basse- Égypte : nb   mÆat    ra (Nebmaâtrê), et à droite son nom de Fils de Râ : ἰ mn Htp HqÆ wÆzt (Amon-est-satisfait, le souverain de Thèbes).Thèbes remplaça Memphis, à partir du second millénaire, et particulièrement après l’expulsion des Hyksôs, comme capitale politique et religieuse du pays, bientôt comme capitale de l’Empire. C’est là que trônait Amon, le « roi des dieux » ; c’est là que les rois avaient leurs palais et qu’ils venaient, après leur mort, trouver leur éternel repos 14 . La liste E N et son interprétation   (KITCHEN et EDEL)   En 1965, le Dr. K.A. Kitchen, professeur d’Égyptologie à l’Université de Liverpool, écrit qu’un des socles de statue découvert au temple funéraire d’Aménophis III, à Kom el-Hetan, est cassé et retourné et qu’il porte une série de neuf noms Asiatiques entièrement nouveaux , encore non-publiés 15  : 1. [?]kin.  2.  eqi (syll.  eÍ-‡( )-  ’ ( ) ), inconnu. 3.  MDni  (syll.  MÍ-z    ( )-n α -i ), peut-être à comparer avec  MDn , non-identifié, dans la liste I:20 de Thoutmosis III. 4.  Npry (syll.  N  u -pÍ-r α -yÍ ), comparer avec  Npryw , n°284 de la liste I de Touthmosis III. Non identifié. 5.  Ktr  (syll.  K  u -tÍ-r α ), inconnu. 6. uiry  (syll. u( )-  ’ i  ß   -r( α )-yÍ  ), aussi nouveau. 7.  K-iniw-S   (syll.  K  u -n u -S( α ) ), nouveau, voir plus bas. 8. ImnS   (syll. ’A -m-nÍ-S( α ) ), nouveau et probablement pas le même que le n°24 de la liste I de Touthmosis III ( ImnS  , syll. ’A mS( α )n α ), voir plus bas. 9.  Rkt   (syll.  RÍ-k  α -t   ou  LÍ-k  α t  ), aussi nouveau. Le village de  R‡d ou  R α ‡dÍ   /R͇dÍ dans les textes d’Ougarit (Ras Shamra) ? Kitchen doute du caractère syrien de la liste. Deux noms, ’A -m-nÍ-S  α  et  K  u -n u -S  α , lui font penser à Amnisos et Knossos, les a-mi-ni-so et ko-no-so du linéaire B 16 . Avec le professeur Albright, il s’emploie à identifier les toponymes, et en juin 1965, sont reconnus, par eux, Nauplie et Cythère 17 . Elmar Edel, propose ensuite, à un congrès tenu à Athènes en octobre 1965, une interprétation créto-mycénienne de l’ensemble du socle inscrit 18 . Voici ce qu’il y a lu 19  : FACE AVANT DU SOCLE, CÔTÉ DROIT, sens de lecture de gauche à droite : vÆw   nbw   StÆ¡t     pHw   nw   zTt   = Tous les pays plats (Flachländer) difficiles d’accès du Nord de l’Asie. En-dessous, deux cartouches : 1. k-f-t¡-w  (= kft   ). 2. t¡-nÆ-¡¡-w  (= tn¡ ). Interprétation: 1. Keftiou = Crète 20 . 2. Tinayou = île de Rhodes 21 . 14  SAUNERON, S., Thèbes , dans  Dictionnaire de la civilisation égyptienne , par Georges Posener, en collaboration avec Serge Sauneron et Jean Yoyotte, Paris, 1970, p. 285. 15  KITCHEN, K.A., Theban Topographical Lists, Old and New , in Orientalia  34, * (Pontificium Institutum Biblicum), 1965, p. 5. 16    Ibid  ., p. 6. 17   FAURE, P., Toponymes créto-mycéniens dans une liste d’Aménophis III  , dans Kadmos  7, band II, Walter de Gruyter, 1968, p. 138-139 + petite note de bas de page n°2, p. 139. 18    Ibidem , p. 139. 19  EDEL, E.,  Die orstnamenlisten aus dem totentempel Amenophis III  , in  Bonner Biblische Beiträge , 25, Bonn 1966, p. 34-40. 20  EDEL, E., op. cit  ., p. 53-54. 21  EDEL, E.,  Ibid. , p. 54-55.